Au Népal, les jeunes ont réussi là où beaucoup échouent : faire démissionner un Premier ministre par la force de leur colère. Chômage, corruption, élites déconnectées… leurs revendications résonnent étrangement avec celles de la jeunesse haïtienne.
Katmandou, le 10 septembre 2025 – Dans les rues de Katmandou, l’incendie du parlement et des bâtiments gouvernementaux témoigne d’une révolte qui a secoué le monde : pour la première fois depuis longtemps, une jeunesse en colère a réussi à faire tomber un gouvernement par sa seule détermination. Le Premier ministre népalais KP Sharma Oli, 73 ans, a dû démissionner face à la pression de la rue, soulevant une question universelle : jusqu’où peut aller la frustration des jeunes privés d’avenir ?
Cette révolte himalayenne, née du blocage de 26 réseaux sociaux dont Facebook et YouTube, révèle des maux profonds qui dépassent largement les frontières du Népal et font écho aux préoccupations de nombreux jeunes à travers le monde, y compris en Haïti.
Le chômage, fléau d’une génération sacrifiée
Avec un taux de chômage des jeunes de 20,8% selon la Banque mondiale, le Népal illustre tragiquement le défi générationnel qui touche de nombreux pays en développement. Comme en Haïti, des centaines de milliers de jeunes Népalais n’ont d’autre choix que l’exil pour survivre.
Cette réalité résonne particulièrement pour les familles haïtiennes : 500 000 jeunes rejoignent chaque année le marché du travail népalais, mais ne trouvent pas d’emplois dignes, exactement comme les milliers de diplômés haïtiens contraints de quitter leur pays chaque année vers les États-Unis, le Canada ou la République dominicaine.
Au Népal, les transferts de fonds de la diaspora représentent un tiers du PIB, le quatrième taux le plus élevé au monde. Un parallèle saisissant avec Haïti, où les envois de la diaspora constituent également l’une des principales sources de devises du pays.
Des élites déconnectées et corrompues
La colère des jeunes Népalais vise particulièrement « une élite sourde à leurs aspirations », une critique qui fait écho aux frustrations exprimées par de nombreux jeunes Haïtiens face à une classe politique perçue comme déconnectée de leurs réalités quotidiennes.
Classé 107e sur 180 pays dans l’indice de corruption de Transparency International, le Népal fait face aux mêmes défis de gouvernance que bien d’autres nations. Les vidéos virales sur TikTok montrant le contraste entre la vie luxueuse des enfants de dirigeants et le quotidien difficile des citoyens ordinaires rappellent les indignations similaires exprimées sur les réseaux sociaux haïtiens.
Les réseaux sociaux, dernière bouée de liberté
Le déclencheur de la révolte népalaise – le blocage des réseaux sociaux – révèle leur importance cruciale pour une génération connectée. Ces plateformes permettent non seulement de garder le lien avec la diaspora, mais aussi d’exprimer les frustrations face aux injustices.
Pour les 12 millions de Népalais âgés de 16 à 40 ans (43% de la population), ces réseaux constituent un espace vital de liberté d’expression et de connexion au monde. Une réalité que comprennent parfaitement les jeunes Haïtiens, pour qui les réseaux sociaux représentent souvent le seul moyen de faire entendre leur voix et de maintenir des liens avec leurs proches à l’étranger.
L’exemple d’une jeunesse qui ne se résigne pas
Ce qui frappe dans la révolte népalaise, c’est sa détermination : malgré 19 morts et des centaines de blessés lors de la répression policière, malgré le couvre-feu, les jeunes ont maintenu la pression jusqu’à obtenir la démission du Premier ministre.
Cette persévérance interroge : dans un monde où les jeunes se sentent souvent impuissants face aux défis économiques et politiques, l’exemple népalais montre qu’il est possible de faire bouger les lignes, même au prix de lourds sacrifices.
L’écho de Katmandou résonne bien au-delà de l’Himalaya. La révolte népalaise pose une question fondamentale à tous les dirigeants du monde : jusqu’à quand peut-on ignorer les aspirations d’une jeunesse éduquée, connectée, mais privée d’avenir ? Le Népal vient de prouver que cette génération, quand elle décide de ne plus subir, peut ébranler les gouvernements les plus installés. Une leçon que feraient bien de méditer tous ceux qui, ailleurs, continuent de sous-estimer la force de cette jeunesse en quête d’espoir.