L’espoir était de courte durée. Alors que la reprise des vols commerciaux américains vers Port-au-Prince était prévue pour le 8 septembre, la Federal Aviation Administration (FAA) vient de prolonger l’interdiction jusqu’au 7 mars 2026. Une décision qui isole davantage Haïti et complique les déplacements de milliers de familles haïtiennes.
Un coup dur qui se répète
Cette nouvelle prolongation de l’interdiction des vols commerciaux américains vers l’aéroport international Toussaint Louverture frappe de plein fouet la communauté haïtienne. Dans un communiqué relayé par le Miami Herald, la FAA justifie sa décision par une situation sécuritaire qu’elle juge « extrêmement instable » dans la capitale.
L’agence américaine pointe du doigt l’emprise croissante des gangs armés sur Port-au-Prince et ses axes stratégiques. Selon les estimations officielles, près de 90% de la capitale et des routes environnantes sont désormais sous le contrôle de groupes armés, notamment la coalition « Viv Ansanm », récemment classée organisation terroriste internationale par le Département d’État américain.
Des moyens insuffisants face à la menace
La présence de la mission multinationale dirigée par le Kenya, venue épauler la Police nationale d’Haïti (PNH), n’a pas suffi à rassurer Washington. Dans son analyse, la FAA souligne que « les forces de sécurité haïtiennes et internationales, qui connaissent des pénuries persistantes de personnel et d’équipements, ont une capacité limitée à contrer les activités des organisations terroristes ».
Plus préoccupant encore, l’agence dénonce un manque de coordination entre les différentes forces en présence. Elle évoque notamment « les actions non coordonnées contre les groupes armés, y compris les frappes ciblées menées par des drones contre les leaders à Port-au-Prince », qui « réduisent l’efficacité opérationnelle et compliquent la gestion de l’espace aérien à basse altitude ».
Un isolement qui s’aggrave
Cette interdiction, initialement imposée en novembre 2024 après que trois avions commerciaux américains ont été touchés par des tirs aux abords de l’aéroport Toussaint Louverture, ne cesse d’être renouvelée. Les conséquences sont lourdes : Spirit Airlines, JetBlue Airways et American Airlines ont suspendu leurs dessertes vers Port-au-Prince. American Airlines a même mis fin définitivement à cinquante années de service en Haïti.
L’effet domino s’étend au-delà des compagnies américaines. Des transporteurs canadiens et européens ont également réduit leurs liaisons, aggravant l’isolement du pays.
Des alternatives rares et coûteuses
Pour les Haïtiens souhaitant voyager, les options se réduisent comme peau de chagrin. Les rares vols encore disponibles passent par l’aéroport international du Cap-Haïtien, mais à des tarifs prohibitifs qui mettent ces liaisons hors de portée de nombreuses familles.
La situation se complique davantage avec la fermeture de l’espace aérien avec la République dominicaine et les restrictions renforcées de Washington sur la délivrance de visas. Un véritable étau se resserre sur la mobilité des Haïtiens, qu’ils soient sur le territoire national ou dans la diaspora.
Seuls les militaires américains maintiennent la liaison
Paradoxalement, alors que les vols commerciaux restent interdits, les avions militaires américains continuent d’atterrir à Port-au-Prince pour assurer le soutien logistique de la mission multinationale de sécurité. Les transporteurs civils américains peuvent survoler la capitale mais à plus de 10 000 pieds d’altitude, sans possibilité d’y atterrir.
Un cercle vicieux économique et social
Cette prolongation de l’interdiction aggrave l’isolement d’un pays déjà fragilisé. Pour les familles haïtiennes séparées entre Haïti et la diaspora, les retrouvailles deviennent un parcours du combattant financier et logistique. Les étudiants, les malades nécessitant des soins à l’étranger, les hommes d’affaires, tous se trouvent pris au piège de cette situation.
Cette décision de la FAA illustre cruellement la spirale dans laquelle s’enfonce Haïti : plus l’insécurité s’aggrave, plus l’isolement se renforce, et plus les perspectives de redressement s’éloignent. Pour la diaspora haïtienne et les familles du pays, l’attente se prolonge jusqu’en mars 2026, avec l’espoir que la situation sécuritaire connaisse enfin une amélioration durable.