Cent arrestations, 91 armes à feu confisquées, des chefs de gang en fuite : le bilan de mai 2025 témoigne d’une police haïtienne enfin offensive. Des rues de Port-au-Prince aux collines de Kenscoff, en passant par le Cap-Haïtien, les forces de l’ordre multiplient les coups de filet. Un changement de donne qui redonne espoir à une population épuisée.
La guerre contre les gangs change de visage. Fini le temps où la Police nationale haïtienne (PNH) subissait passivement les assauts criminels. Le bilan présenté par le porte-parole Michel-Ange Louis-Jeune pour le mois de mai révèle une institution policière enfin sur l’offensive, avec des résultats qui parlent d’eux-mêmes.
Cent arrestations en un mois, 91 armes à feu saisies dont plusieurs fusils d’assaut, une quantité importante de munitions confisquées : ces chiffres marquent un tournant dans la lutte anti-gang. À cela s’ajoutent deux ordinateurs portables et 16 radios de communication récupérés, témoignant d’une approche plus méthodique du démantèlement des réseaux criminels.
Vitelhomme en déroute, son fief perquisitionné
L’une des opérations les plus symboliques s’est déroulée dans le fief de Vitelhomme Innocent, le redoutable chef du gang « Kraze Baryè ». L’unité DDO-Ouest I a mené une vaste offensive dans ce qui était considéré comme un sanctuaire inviolable. « Plusieurs maisons ont été perquisitionnées, et une quantité importante d’armes à feu et de munitions a été saisie », révèle Michel-Ange Louis-Jeune.
Les images montrent des policiers opérant jusque dans le péristyle de Vitelhomme, ce temple vaudou qui servait de QG au chef de gang. Un symbole fort qui témoigne de la détermination des forces de l’ordre à ne plus respecter aucune zone d’impunité.
Si le porte-parole refuse de confirmer les rumeurs selon lesquelles Vitelhomme aurait été blessé, sa fuite vers une autre région (confirmée par le RNDDH) témoigne de la pression exercée sur les gangs. Pour nos compatriotes de Tabarre et Croix-des-Bouquets, longtemps terrorisés par ce criminel, cette offensive représente une bouffée d’air pur.
Les méthodes barbares de « Viv Ansanm » mises à nu
Michel-Ange Louis-Jeune a profité de cette conférence pour lever le voile sur les méthodes de la coalition criminelle « Viv Ansanm ». Le tableau dressé fait frémir : incendies volontaires, viols individuels et collectifs, enlèvements, destructions de biens publics et privés. Ces groupes agissent principalement par bandes de 50 à 60 individus, surtout durant les nuits de week-end.
Particulièrement révoltante, leur tactique d’utiliser les civils comme boucliers humains : « Ils obligent les civils à ériger des barricades sur les axes routiers. En cas d’affrontement avec les forces de l’ordre, ils contraignent les civils à récupérer les corps des bandits abattus. » Des méthodes dignes des pires groupes terroristes internationaux.
Kenscoff : la reconquête se poursuit
Dans les hauteurs de Kenscoff, zone stratégique qui surplombe Port-au-Prince, la bataille fait rage. Si la situation n’est « pas encore complètement sous contrôle », selon le porte-parole, la PNH mène des opérations quotidiennes qui portent leurs fruits. Plusieurs territoires ont été récupérés avec le soutien des autorités locales et de la population.
Cette reconquête progressive redonne espoir aux résidents de cette commune paisible, longtemps refuge des classes aisées fuyant la chaleur de la capitale. Pour la diaspora haïtienne qui y possède souvent des résidences secondaires, ces victoires policières sont synonymes de retour possible au pays.
Port-au-Prince respire à nouveau
Dans la capitale, les succès s’accumulent. Michel-Ange Louis-Jeune salue le travail des forces de l’ordre qui permet aux habitants de Turgeau, Barbecue, rue Casseus et Pacot de « reprendre progressivement leurs activités ». Ces quartiers, naguère paralysés par la violence, retrouvent un semblant de vie normale.
La criminalité traquée jusqu’en province
Mais l’offensive ne se limite plus à Port-au-Prince. Les gangs tentent désormais de s’implanter en province, et la police les y poursuit. L’arrestation de Jamesson Frédéric, alias « Papè », au Cap-Haïtien illustre cette nouvelle stratégie.
Ce collaborateur de Vitelhomme Innocent cherchait à établir une base à Limonade quand il a été interpellé. Son frère Youri a également été arrêté. Les aveux de Jamesson glacent le sang : assassinat de Rose-Darline Chrisostome à Croix-des-Bouquets, meurtre du commissaire principal Evangelot, incendie de la résidence d’un agent de la Swat Team, participation à l’incendie qui a coûté la vie à Ketelaire Morisseau de la BRI.
À Limonade même, la SDPJ a arrêté deux autres criminels : Anselo Varice, alias « Satan », et Evalmir Fabien. Un message clair : plus aucun territoire ne sera laissé aux gangs.
Le silence sur les drones
Curieusement, Michel-Ange Louis-Jeune n’a donné « aucune information sur les événements récents à Village-de-Dieu, où des drones de combat auraient explosé dans le fief du chef de gang connu sous le nom de Izo 5 Secondes. » Cette discrétion contraste avec les révélations sur l’implication d’Erik Prince et Blackwater dans ces opérations.
Le porte-parole insiste sur le fait que ses déclarations se basent « uniquement sur des faits vérifiés, et non sur des spéculations. » Une prudence compréhensible dans un contexte où l’utilisation de mercenaires américains soulève des questions de souveraineté.
Ce bilan de mai 2025 marque un tournant dans la guerre contre les gangs. Pour la première fois depuis longtemps, la police haïtienne reprend l’initiative sur tous les fronts. Cent arrestations, 91 armes saisies, des territoires reconquis : ces chiffres redonnent espoir à un peuple épuisé par la violence. Mais cette offensive pourra-t-elle se maintenir dans la durée ? Et surtout, saura-t-elle s’accompagner d’une vraie reconstruction sociale ? L’avenir nous le dira, mais pour l’instant, nos policiers méritent nos encouragements. Enfin, ils nous défendent !