Port au Prince, 9 mars 2025 – L’opération “Goudou Goudou”, menée par les forces de l’ordre dans plusieurs quartiers de Port-au-Prince, marque un tournant dans la lutte contre les gangs qui contrôlent 80 % du territoire de la capitale. Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), salue ces avancées tout en appelant à une intensification et une meilleure coordination des efforts.
Des premières victoires, mais des chefs de gangs toujours en fuite
Si les chefs de gangs restent hors de portée, de nombreux lieutenants et hommes de main ont été neutralisés, blessés ou arrêtés lors des opérations ciblées à Bas-Delmas, Village de Dieu et Wharf Jérémie, des bastions criminels notoires. Pierre Espérance insiste sur la nécessité d’un harcèlement constant des groupes armés :
“Il faut les acculer jour et nuit, les déloger de leurs repaires pour permettre aux déplacés de rentrer chez eux et récupérer ce que les terroristes leur ont volé.”
Un appel à une offensive d’ampleur nationale
L’activiste des droits humains exhorte le gouvernement à transformer ces frappes en un tsunami sécuritaire qui ferait basculer la peur du côté des criminels. Il réclame des opérations similaires dans l’Artibonite, où les gangs continuent de semer la terreur. Pour lui, l’État et la population sont en légitime défense :
“Les citoyens doivent s’allier aux forces de l’ordre en fournissant des renseignements stratégiques qui rendront les interventions plus efficaces.”
Un bilan humanitaire catastrophique
L’année 2024 a été marquée par une violence inouïe :
- 5 600 personnes tuées,
- Plus d’un million de déplacés,
- Des centaines de femmes et filles violées,
- Des milliers de maisons incendiées,
- Des écoles, bibliothèques, hôpitaux et marchés détruits.
Pierre Espérance exhorte la justice à mettre fin au cycle d’impunité qui gangrène la société haïtienne.
Avertissement contre une récupération politique
Espérance met en garde contre toute politisation des opérations anti-gangs et insiste pour que le Task Force demeure sous l’autorité exclusive du directeur général de la police.
“Il serait dangereux que des politiciens utilisent ces forces pour régler des comptes au lieu de combattre le crime organisé.”
Il critique sévèrement Emmanuel Vertilaire, conseiller-président du CPT, qu’il accuse de confusion dans ses responsabilités et de vouloir gérer les affaires judiciaires alors qu’il est lui-même sous enquête pour corruption. Il exhorte le CPT à écarter les membres impliqués dans des scandales, pour restaurer un minimum de crédibilité gouvernementale.
Réinsertion des jeunes enrôlés de force
Enfin, il plaide pour la mise en place d’un programme de réinsertion des jeunes enrôlés de force par les gangs.
“Ces enfants, souvent utilisés comme boucliers humains, méritent une alternative pour reconstruire leur avenir.”
Une guerre de longue haleine
Alors que l’opération “Goudou Goudou” se poursuit, son succès dépendra de la persévérance des forces de l’ordre, mais aussi de la capacité des autorités à coordonner une réponse durable face au fléau des gangs en Haïti.