Le défenseur des droits humains Pierre Espérance a effectué une visite remarquée en République dominicaine du 26 au 29 mai, rencontrant ambassadeurs européens et diplomates haïtiens. Un déplacement d’autant plus symbolique qu’il figurait sur une « liste noire » dominicaine depuis 2023.

Deux ans après avoir été persona non grata en territoire dominicain, Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), a franchi sans encombre la frontière pour une mission diplomatique de quatre jours. Une visite qui marque peut-être un tournant dans les relations tendues entre Port-au-Prince et Saint-Domingue.

Des échanges francs avec l’Europe sur la crise haïtienne

Le point culminant de cette visite s’est déroulé le mercredi 29 mai lors d’un déjeuner de travail réunissant plusieurs ambassadeurs européens accrédités en République dominicaine. Autour de la table : les représentants de la Suisse, du Royaume-Uni, de l’Italie, des Pays-Bas, de l’Allemagne et de l’Union européenne.

« Les discussions ont été franches et responsables », confie Pierre Espérance joint par téléphone. « Les ambassadeurs voulaient avoir un aperçu réel de la situation actuelle en Haïti. » Au menu des échanges : la dégradation dramatique des droits humains dans le pays, l’insécurité galopante qui paralyse la vie quotidienne des Haïtiens, et les tensions persistantes avec le voisin dominicain.

Pour beaucoup d’Haïtiens vivant à l’étranger, ces discussions résonnent particulièrement. Combien de nos compatriotes de la diaspora ne suivent-ils pas avec inquiétude l’évolution de la situation sécuritaire qui empêche parfois même les visites familiales ?

L’attente du nouvel ambassadeur haïtien

Un élément intéressant ressort de ces rencontres : les diplomates européens attendent l’entrée en fonction officielle du nouvel ambassadeur haïtien, Fritz Longchamp, pour intensifier leur coopération sur des dossiers sensibles. Migration, sécurité transfrontalière, coopération bilatérale… autant de sujets cruciaux qui nécessitent une coordination entre Haïti et ses partenaires internationaux.

Pierre Espérance a d’ailleurs eu l’occasion de s’entretenir directement avec Fritz Longchamp, ainsi qu’avec Edwin Paraison, ancien ministre et fin connaisseur des relations haïtiano-dominicaines. Ces échanges témoignent d’une volonté de dialogue constructif malgré les défis.

De la « liste noire » à la réhabilitation silencieuse ?

Le symbole le plus fort de cette visite reste sans doute le franchissement même de la frontière par Pierre Espérance. En avril 2023, le président dominicain Luis Abinader l’avait inscrit sur une liste noire, lui interdisant l’accès au territoire dominicain sous prétexte qu’il représentait un danger pour la sécurité nationale – une accusation jamais étayée par des preuves concrètes.

Cette mesure avait alors suscité l’indignation de nombreux défenseurs des droits humains, aussi bien en Haïti que dans la diaspora. Beaucoup y avaient vu une tentative de museler une voix critique face aux violations des droits des migrants haïtiens en République dominicaine.

Aujourd’hui, le passage sans encombre de Pierre Espérance soulève une question légitime : a-t-il été discrètement retiré de cette fameuse liste ? Si aucune déclaration officielle n’a été faite par Saint-Domingue, cette visite pourrait bien annoncer un dégel diplomatique.


Cette normalisation apparente des relations ouvre-t-elle la voie à un dialogue plus constructif entre les deux pays qui partagent l’île d’Hispaniola ? Pour les millions d’Haïtiens concernés par ces questions, l’espoir d’une coopération apaisée n’a jamais été aussi nécessaire.

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