Le directeur du RNDDH multiplie les rencontres à Washington pour alerter sur la situation haïtienne. Entre critiques acerbes du Conseil présidentiel de transition et appels à la mobilisation internationale, Pierre Espérance dresse un constat sans appel : « Il n’y a pas de leadership » en Haïti. Sa mission vise à convaincre les États-Unis et la Caraïbe d’agir avant qu’il ne soit trop tard.
Invité par Human Rights Watch, Pierre Espérance ne mâche pas ses mots lors de sa tournée américaine. Face aux responsables de l’OEA, de la CARICOM et du Département d’État, le défenseur des droits humains dresse un tableau alarmant d’un pays à la dérive, où « plusieurs conseillers sont poursuivis pour corruption » au sein même de l’institution censée mener la transition.
Un réquisitoire contre le Conseil présidentiel
« Nous avons un conseil de neuf personnes, mais aucun résultat concret n’en découle », lance Pierre Espérance sans détour. Son constat est implacable : après plus d’un an de mandat, le CPT a échoué sur tous les fronts. Les grands chantiers de la transition restent lettre morte, tandis que l’échéance du 7 février 2026 approche à grands pas.
Cette critique frontale du leadership haïtien résonne particulièrement chez les Haïtiens de la diaspora, qui observent avec amertume l’incapacité chronique des dirigeants à sortir le pays de l’ornière. Pour beaucoup d’entre eux, installés aux États-Unis ou dans la Caraïbe, ces dysfonctionnements institutionnels rappellent les raisons de leur exil.
L’OEA sous pression
Pierre Espérance ne se contente pas de critiquer : il exige des actions concrètes. Sa rencontre avec Albert Ramdin, secrétaire général de l’OEA, visait à rappeler l’organisation à ses responsabilités. « Nous attendons de l’OEA un engagement concret », insiste-t-il, pointant du doigt le transfert du dossier haïtien des États-Unis vers l’organisation panaméricaine.
Cette stratégie de plaidoyer s’appuie sur un réseau d’ambassadeurs caribéens : Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Grenade, Saint-Kitts-et-Nevis, Bahamas, Guyana, Dominique, Trinité-et-Tobago et Antigua-et-Barbuda. Une démarche qui mise sur la solidarité régionale, consciente que la crise haïtienne déborde largement les frontières nationales.
Le cri d’alarme sur les déportations
Au-delà de la crise interne, Pierre Espérance plaide pour les Haïtiens menacés d’expulsion. Sa demande de moratoire sur les déportations illustre la double dimension de son combat : protéger ceux qui sont restés au pays et défendre ceux qui ont fui la violence.
« J’ai discuté avec une délégation de congressmen américains pour demander un moratoire sur les expulsions », révèle-t-il. Une démarche qui s’adresse directement aux centaines de milliers d’Haïtiens vivant aux États-Unis, souvent dans la précarité juridique, et qui redoutent un retour forcé vers un pays en proie au chaos.
« Les policiers veulent assurer la sécurité, mais ils n’en ont pas les moyens »
Le diagnostic de Pierre Espérance dépasse les seules questions politiques. Il pointe également l’effondrement des services de base et l’impuissance des forces de l’ordre face aux gangs. « Les policiers veulent assurer la sécurité, mais ils n’en ont pas les moyens », déplore-t-il, soulignant le paradoxe d’un État qui demande à ses agents de remplir des missions impossibles.
Cette réalité, les Haïtiens la vivent quotidiennement, qu’ils résident à Port-au-Prince, dans les provinces ou qu’ils la suivent avec angoisse depuis l’étranger. L’absence de services de santé, d’éducation et de sécurité transforme la survie en combat permanent.
L’urgence d’un nouveau paradigme
Pour Pierre Espérance, la solution passe par la reconnaissance de l’échec : « Il est complètement impossible pour le CPT et le gouvernement de respecter l’accord du 3 avril pour une mission qui s’achève le 7 février 2026. » Une lucidité qui tranche avec le déni persistant des autorités.
Son appel à « reconnaître l’échec de l’accord du 3 avril » s’adresse autant aux dirigeants haïtiens qu’à la communauté internationale. Une invitation à sortir des logiques de façade pour construire de véritables alternatives.
La mission de Pierre Espérance aux États-Unis illustre la détermination de la société civile haïtienne à ne pas baisser les bras. Mais ses appels seront-ils entendus ? Entre l’urgence de la situation sur le terrain et la lenteur des mécanismes diplomatiques, la course contre la montre est engagée. Pour les millions d’Haïtiens qui espèrent encore, cette mobilisation internationale représente peut-être la dernière chance d’éviter le naufrage définitif.