Port-au-Prince, 14 mars 2025 – Jadis centre névralgique de l’administration et de l’économie haïtienne, le cœur de la capitale est aujourd’hui un territoire déserté par l’État. Face à la montée en puissance des gangs, plus d’une cinquantaine de bâtiments officiels, symboles de l’autorité publique, sont désormais laissés à l’abandon. Ministères, tribunaux, institutions financières, infrastructures éducatives et portuaires : tout s’effondre sous l’œil impuissant des autorités.
Le Port de Port-au-Prince livré aux trafiquants
Avec la mise hors service de la Douane, de l’Autorité Portuaire Nationale (APN) et du Service Maritime et de Navigation d’Haïti (SEMANAH), le port de la capitale est devenu un carrefour de l’économie criminelle. Sans surveillance ni contrôle, armes, drogues et marchandises de contrebande transitent librement, alimentant les réseaux mafieux qui imposent désormais leur loi.
L’exil forcé des institutions publiques
L’administration centrale s’est effacée du paysage urbain. Les locaux de la Primature, du Parlement, de la Banque de la République d’Haïti (BRH), de la Banque Nationale de Crédit (BNC), du Ministère de l’Intérieur et du Ministère de la Santé Publique sont désertés. Le Palais National, autrefois incarnation de la souveraineté haïtienne, n’est plus qu’un vestige fantôme, tandis que le Panthéon National, gardien de l’histoire du pays, est livré au pillage.
Justice et éducation : les grandes victimes du chaos
Le système judiciaire s’effondre. La Cour de Cassation, la Cour Supérieure des Comptes, le Palais de Justice et les tribunaux de section sont hors d’usage, paralysant toute tentative de rendre la justice. La prison civile de Port-au-Prince a subi une attaque majeure, facilitant une évasion massive qui illustre l’incapacité de l’État à maintenir l’ordre.
L’enseignement supérieur et secondaire n’est pas épargné. Les grands lycées de la capitale, notamment Pétion, Toussaint Louverture, Jean-Jacques Dessalines, Marie-Jeanne et Fritz Pierre-Louis, ont dû fermer leurs portes. Les universités et écoles professionnelles, dont les facultés de Droit, de Médecine, d’Odontologie et des Sciences, ainsi que l’École Normale Supérieure et l’INAGHEI, sont inaccessibles. Même les institutions culturelles et sanitaires, comme le Théâtre National, l’École des infirmières et le Centre psychiatrique, sont abandonnées.
Un État en déroute face à la loi des gangs
Quand un gouvernement ne contrôle plus ses tribunaux, ses écoles, ses ministères, ni même son propre palais, peut-on encore parler d’autorité ? La réalité est implacable : le centre-ville de Port-au-Prince n’est plus un siège du pouvoir, mais un territoire dominé par la loi du plus fort. Ce retrait progressif de l’État laisse place à une prise de contrôle criminelle qui ne cesse de s’étendre, scellant ainsi la capitulation d’un pouvoir en perdition.