Alors que Fritz Alphonse Jean doit céder sa place à Laurent Saint Cyr à la tête du Conseil présidentiel, « Barbecue » menace directement les institutions. La capitale s’embrase et même les forces kényanes subissent des pertes.
Une nuit de terreur annoncée
La journée du jeudi 7 août restera gravée dans les mémoires comme l’une des plus tendues de ces derniers mois à Port-au-Prince. Tout a commencé dans la nuit, lorsque Jimmy Chérizier, plus connu sous le nom de « Barbecue » et porte-parole de la coalition « Viv ansanm », a publié une vidéo glaçante. Armé et en tenue de guerre, il y annonce ouvertement son intention d’attaquer la primature et la Villa d’Accueil, sièges des deux branches de l’exécutif haïtien.
Cette menace directe intervient au moment même où le pays traverse une période de transition politique délicate : Fritz Alphonse Jean doit céder la présidence tournante du Conseil présidentiel de transition (CPT) à Laurent Saint Cyr. Un timing qui n’a rien de fortuit et qui témoigne de la volonté des gangs de déstabiliser davantage les institutions.
Pour les Haïtiens de la diaspora qui suivent l’actualité depuis New York, Miami ou Montréal, ces images rappellent les heures les plus sombres qu’a connues leur pays natal. Beaucoup se remémorent les événements de 2004 ou les troubles qui ont suivi le séisme de 2010.
Delmas sous les balles : quand la réalité dépasse la menace
Les paroles de Chérizier ne sont pas restées lettre morte. Dès les premières heures de ce jeudi, des attaques armées ont été signalées à Delmas 30 et Delmas 32, précisément sur la route menant au siège du gouvernement et suivant l’itinéraire annoncé dans la vidéo du chef de gang.
Les habitants de ces quartiers, déjà éprouvés par des mois de violence, ont dû une fois de plus fuir leurs maisons pour se réfugier à Delmas 34 et Delmas 40 B. Ces scènes de panique rappellent douloureusement à de nombreuses familles haïtiennes les déplacements forcés qu’elles ont vécus, contraignant certaines à rejoindre des proches à l’étranger.
Les tirs nourris n’ont pas épargné d’autres secteurs stratégiques : la route de Frères, Drouillard et le centre-ville de Port-au-Prince ont résonné du bruit des armes automatiques. Même Kenscoff, cette commune des hauteurs souvent considérée comme plus sûre, n’a pas échappé aux violences.
Les forces internationales prises pour cible
L’escalade de la violence a atteint un niveau particulièrement préoccupant avec l’attaque directe contre la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS). Vers 2h du matin, deux véhicules blindés des forces kényanes ont été incendiés à Kenscoff, selon le communiqué du porte-parole Jack Ombaka.
Cette attaque marque un tournant dans la stratégie des gangs, qui osent désormais s’en prendre directement aux forces internationales déployées pour stabiliser le pays. Pour la communauté internationale et les Haïtiens qui espéraient voir cette mission apporter un semblant de paix, c’est un signal d’alarme majeur.
Les patrouilles conjointes et opérations ciblées se poursuivent malgré tout dans plusieurs zones de Port-au-Prince et de l’Artibonite, témoignant de la détermination des forces de sécurité à maintenir leur présence.
Cette journée du 7 août illustre tragiquement la fragilité des institutions haïtiennes face à la montée en puissance des gangs. Alors que le pays tente de naviguer dans sa transition politique, la violence semble vouloir dicter sa propre loi. Combien de temps encore les Haïtiens, ici et dans la diaspora, devront-ils vivre dans l’angoisse de voir leur pays sombrer davantage dans le chaos ?