Alors que 2025 s’annonce comme l’une des saisons cycloniques les plus redoutables, Port-de-Paix reste dans l’attente dangereuse d’une catastrophe annoncée. Entre promesses non tenues et canalisations bouchées, la ville historique du Nord-Ouest joue avec le feu face aux éléments naturels.
Dans les ruelles de Port-de-Paix, l’eau stagne déjà avant même l’arrivée des premières tempêtes de la saison. Les détritus s’accumulent dans les principaux canaux d’évacuation, transformant chaque coin de rue en piège potentiel. Une situation qui rappelle douloureusement les tragédies récentes qui ont frappé d’autres villes haïtiennes, de Gonaïves aux Cayes, où l’impréparation a coûté des centaines de vies.
Un scénario catastrophe déjà écrit
Les autorités locales ne peuvent pas dire qu’elles ne savaient pas. Emmanuel Pierre, directeur général de la Protection civile, a été clair lors de sa visite dans le département : 30 millions de gourdes étaient disponibles pour des travaux de prévention urgents. Trois mois après cette annonce, les pelleteuses brillent par leur absence.
« Ils attendent impatiemment le prochain désastre, avec son lot de pertes en vies humaines et de maisons détruites », témoigne amèrement un résident de Demelus, ce quartier perché qui surplombe la ville comme un château de cartes face au vent.
Cette inaction résonne particulièrement fort pour la diaspora haïtienne qui suit avec angoisse les nouvelles du pays. Combien de fois avons-nous vu les mêmes images désolantes après chaque passage cyclonique ? Les mêmes appels au secours, les mêmes promesses de reconstruction qui tardent à venir.
Une bureaucratie qui tue
Entre le délégué départemental Rock Excéus qui pointe du doigt la « lourdeur administrative » du ministère des Finances et cette dernière qui réclame des « dossiers correctement montés », les semaines passent. Pendant ce temps, les prévisions météorologiques font froid dans le dos : 19 tempêtes nommées attendues cette année, dont 9 ouragans et 4 majeurs. Des chiffres bien au-dessus des moyennes historiques.
Pour les Haïtiens qui ont vécu l’ouragan Matthew en 2016 ou plus récemment les inondations meurtrières de décembre 2024 à Port-de-Paix même – 7 morts, des centaines de maisons détruites -, ces statistiques ne sont pas de simples chiffres. Elles représentent des familles brisées, des rêves engloutis sous la boue.
La solidarité face à l’abandon
Face à cette inertie officielle, les habitants de Port-de-Paix ne restent pas les bras croisés. Dans la zone de Champ d’Aviation, plusieurs organisations communautaires ont pris les choses en main, tentant de dégager les canaux avec les moyens du bord. Une démarche qui rappelle l’esprit de solidarité des « konbit » traditionnels, où la communauté s’entraide face aux difficultés.
« Nous vivons avec la peur constante que la prochaine pluie nous emporte », confie une mère de famille installée près d’un des principaux exutoires de la ville. Des mots qui résonnent jusqu’à Miami, Montréal ou Paris, où des familles haïtiennes suivent avec anxiété le sort de leurs proches restés au pays.
L’ironie d’une commémoration en péril
Le contraste est saisissant : Port-de-Paix s’apprête à célébrer en décembre ses 360 années d’existence, marquant près de quatre siècles d’histoire dans cette cité qui a vu naître des héros comme Capois Lamort. Pourtant, cette ville historique semble aujourd’hui plus vulnérable que jamais face aux caprices de la nature.
Combien faudra-t-il encore de tragédies pour que les promesses se transforment enfin en actions concrètes ? Port-de-Paix, comme tant d’autres villes haïtiennes, mérite mieux qu’une politique de l’attente face aux catastrophes annoncées. Le temps presse, et chaque jour qui passe sans mesures préventives rapproche la ville d’un scénario que personne ne souhaite voir se répéter.