Le président dominicain Luis Abinader répond avec virulence aux condamnations d’Amnesty International contre les expulsions massives d’Haïtiens. Sa réplique cinglante illustre la tension croissante entre les deux pays voisins, alors que la crise haïtienne continue de déborder sur le territoire dominicain.

Face aux critiques internationales, Abinader mobilise tous les anciens présidents dominicains pour forger une « politique d’État » face à la situation haïtienne, marquant un durcissement sans précédent des relations bilatérales.

Une réplique cinglante aux défenseurs des droits humains

« Que Amnesty aille aussi combattre les gangs en Haïti ; qu’ils viennent nous aider et fassent ce que nous avons fait. » Cette déclaration tranchante du président Luis Abinader, prononcée vendredi dernier, résume parfaitement l’exaspération dominicaine face aux critiques internationales sur les déportations massives d’Haïtiens.

Le chef de l’État dominicain n’a pas mâché ses mots en rejetant les appels d’Amnesty International à l’arrêt des expulsions. Selon lui, l’organisation de défense des droits humains « n’a pas l’autorité morale » pour se prononcer sur la gestion de la crise migratoire par son gouvernement.

Cette sortie intervient dans un contexte où des milliers d’Haïtiens continuent de traverser la frontière, fuyant l’insécurité qui gangrène leur pays. Pour beaucoup de familles haïtiennes, ces expulsions représentent un retour forcé vers l’enfer qu’elles tentaient de fuir.

Un appel à l’aide internationale resté sans réponse

« Cela fait trois ans que nous appelons la communauté internationale à s’attaquer à ce problème, et ils laissent Haïti tranquille. Nous devons prendre les décisions qui assureront la sécurité de notre pays », a martelé Abinader, pointant du doigt l’inaction de la communauté internationale face à la crise haïtienne.

Cette frustration reflète un sentiment partagé par de nombreux Dominicains qui voient leur pays porter seul le fardeau des conséquences de l’effondrement de l’État haïtien. Côté haïtien, cette position suscite amertume et incompréhension, particulièrement dans la diaspora qui assiste impuissante à ces expulsions de masse.

La référence aux gangs n’est pas anodine : elle rappelle que la République dominicaine se trouve en première ligne face à une crise sécuritaire qui déborde largement des frontières haïtiennes. L’incendie récent de l’hôtel Oloffson et la mainmise des gangs sur Port-au-Prince renforcent cette perception d’un voisin devenu ingérable.

Une mobilisation politique inédite

Face à cette situation, Abinader orchestre une démarche sans précédent : la mobilisation de tous les anciens présidents dominicains pour définir une politique d’État face à la crise haïtienne. La rencontre de vendredi avec Hipólito Mejía, qui a duré près de trois heures, s’inscrit dans cette stratégie de consensus national.

Cette consultation, qualifiée de « très productive » par le président, avait pour objectif d’élaborer une réponse coordonnée aux défis posés par la migration, la sécurité, le commerce et la communication. Une nouvelle rencontre est prévue le 23 juillet au Palais national, marquant la volonté de créer une véritable politique d’État transcendant les clivages partisans.

Il s’agissait de la troisième rencontre du genre, après celles tenues avec Danilo Medina le 26 juin et Leonel Fernández le 3 juillet. Cette mobilisation politique exceptionnelle témoigne de la gravité de la situation et de la détermination dominicaine à y faire face.

Un durcissement qui inquiète

Cette escalade rhétorique et politique marque un tournant dans les relations entre les deux pays qui partagent l’île d’Hispaniola. Pour la diaspora haïtienne, particulièrement celle établie en République dominicaine, ces développements sont sources d’inquiétude. Beaucoup craignent une détérioration supplémentaire de leurs conditions de vie et une stigmatisation accrue.

L’appel d’Abinader à Amnesty International de « venir combattre les gangs » illustre parfaitement le sentiment dominicain d’être abandonné par la communauté internationale face à un problème qui les dépasse. Mais pour les Haïtiens, ces déportations représentent souvent un retour vers l’incertitude et parfois vers la mort.

Cette crise révèle l’urgence d’une solution internationale coordonnée pour Haïti. Car tant que les gangs continueront de terroriser la population haïtienne, les flux migratoires vers la République dominicaine persisteront, alimentant les tensions entre les deux peuples frères d’Hispaniola. La question demeure : qui prendra enfin la mesure de cette tragédie humaine qui se joue aux portes de l’Amérique ?

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