Face à la spirale de violence qui ravage Haïti, la République dominicaine sort l’artillerie lourde diplomatique. Le président Luis Abinader et trois anciens présidents dominicains ont uni leurs voix pour supplier les grandes puissances mondiales d’intervenir d’urgence. Un appel au secours qui en dit long sur la gravité de la situation haïtienne et ses répercussions régionales.
« Vwazin pa janm kite vwazin yo nan twoub » – les voisins n’abandonnent jamais leurs voisins dans le trouble. C’est peut-être ce proverbe qui guide aujourd’hui la République dominicaine dans sa démarche diplomatique exceptionnelle pour tenter de sauver Haïti du chaos.
Une mobilisation politique sans précédent
Rarement aura-t-on vu un tel consensus politique en République dominicaine. Luis Abinader, le président actuel, s’est associé à trois de ses prédécesseurs – Hipólito Mejía, Leonel Fernández et Danilo Medina – pour lancer un cri d’alarme international. Ces quatre hommes, pourtant de bords politiques différents, ont mis de côté leurs divergences face à l’urgence haïtienne.
Leur message est clair : la mission internationale actuelle en Haïti, menée par le Kenya, ne fait pas le poids face à l’ampleur de la crise. Ils réclament une intervention directe de l’ONU, plus robuste et mieux financée, avant qu’il ne soit trop tard.
Un appel qui traverse les continents
L’initiative dominicaine ne fait pas dans la demi-mesure. Les lettres ont été envoyées aux dirigeants de quinze pays influents : États-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni, Corée du Sud, Pakistan, Grèce, Danemark, Slovénie, Algérie, Guyana, Sierra Leone, Panama et Somalie. Un casting qui montre que pour les Dominicains, sauver Haïti est devenu un enjeu mondial.
« Le dispositif actuel de la MSS ne répond pas avec l’urgence ni la rigueur que la situation exige », a déclaré Homero Figueroa, porte-parole de la présidence dominicaine. Une façon polie de dire que les 400 policiers kenyans déployés face aux milliers de bandits armés, c’est comme envoyer un enfant faire le travail d’un homme.
La menace des super-gangs
Ce qui inquiète particulièrement les dirigeants dominicains, c’est la montée en puissance d’alliances criminelles comme « Viv Ansanm » et « Gran Grif ». Ces coalitions de gangs ne se contentent plus de terroriser Port-au-Prince : elles transforment Haïti en plaque tournante du trafic de drogue et du crime organisé international.
Pour la République dominicaine, qui partage une frontière de plus de 300 kilomètres avec Haïti, c’est un cauchemar. Imaginez vivre à côté d’une maison en feu : tôt ou tard, les flammes risquent de vous atteindre.
Une course contre la montre
L’urgence est réelle. Les Dominicains demandent une décision du Conseil de sécurité de l’ONU avant la fin juin, avant que le contingent kenyan ne soit renouvelé. C’est maintenant ou jamais, selon eux, pour éviter que Haïti ne sombre définitivement dans l’anarchie.
Cette pression temporelle n’est pas anodine. Elle reflète une réalité que beaucoup d’Haïtiens vivent au quotidien : chaque jour qui passe sans solution durable, c’est un jour de plus dans l’enfer.
L’isolement international d’Haïti s’aggrave
Comme si la situation n’était pas assez dramatique, Haïti figure désormais parmi une dizaine de pays dont les citoyens sont interdits de fouler le sol américain. Un isolement qui s’ajoute aux souffrances d’un peuple déjà meurtri.
Cette mesure américaine, bien qu’elle vise à protéger la sécurité nationale, frappe de plein fouet les Haïtiens ordinaires qui rêvent d’un avenir meilleur ailleurs. Elle illustre aussi comment la crise haïtienne dépasse largement les frontières du pays.
Entre espoir et résignation
« L’avenir d’Haïti est aussi une question de sécurité pour tout l’hémisphère », martèle le gouvernement dominicain. Une vérité que la communauté internationale peine encore à accepter pleinement.
Pour nous Haïtiens, cette initiative dominicaine peut sembler à la fois encourageante et amère. Encourageante parce qu’elle montre que nous ne sommes pas totalement oubliés. Amère parce qu’elle révèle notre incapacité actuelle à nous sortir seuls du pétrin.
Cette mobilisation diplomatique dominicaine nous rappelle une réalité cruelle : parfois, il faut que les voisins crient pour que le monde entier entende nos cris de détresse. L’initiative d’Abinader et de ses prédécesseurs mérite le respect, même si elle souligne notre dépendance actuelle à l’aide extérieure. Espérons que cette fois, la communauté internationale ne se contentera pas de beaux discours et passera enfin aux actes. Car comme on dit chez nous : « Pale pa manje » – les paroles ne nourrissent pas.