La République dominicaine poursuit l’édification de son mur frontalier avec Haïti. Vendredi, les autorités dominicaines ont lancé la construction d’une nouvelle section de 13 kilomètres, portant la longueur totale de cette barrière controversée à 170 kilomètres. Une initiative qui divise autant qu’elle inquiète.
Les pelleteuses ont repris du service à Dajabon, dans le nord de la République dominicaine. Vendredi 20 juin, les autorités dominicaines ont officiellement lancé la construction d’un nouveau tronçon de 13 kilomètres du mur qui sépare déjà une partie des deux pays partageant l’île d’Hispaniola.
Cette extension s’inscrit dans la continuité du projet initié en 2021 par le président Luis Abinader, qui a fait de la lutte contre l’immigration haïtienne l’une de ses priorités politiques. Avec cette nouvelle section, le mur atteindra une longueur totale de 170 kilomètres, soit environ la moitié de la frontière séparant les deux nations.
Un symbole de fermeté qui divise
Lors de la cérémonie de pose de la première pierre, le ministre de la présidence José Ignacio Paliza n’a pas mâché ses mots. Pour lui, cette « clôture périmétrique » représente bien plus qu’une simple infrastructure de sécurité : c’est « un symbole de souveraineté, d’intégrité institutionnelle et d’engagement pour la protection du territoire national ».
Cette rhétorique résonne particulièrement dans un contexte où la République dominicaine fait face à une pression migratoire sans précédent. Composé d’une base en béton surmontée d’une clôture et de fils barbelés, ce mur matérialise la politique migratoire durcie du président Abinader, réélu en 2024 sur la promesse d’intensifier les expulsions.
L’exode haïtien s’intensifie
Derrière ces chiffres se cache une tragédie humaine. Haïti, déjà le pays le plus pauvre des Amériques, traverse une crise sécuritaire majeure. Les gangs armés, qui contrôlent désormais une large partie du territoire, sèment la terreur par leurs actes de violence, leurs enlèvements et leurs viols. Cette situation dramatique a poussé près de 1,3 million d’Haïtiens à fuir leur foyer pour trouver refuge ailleurs dans le pays, selon l’ONU.
Pour beaucoup, la République dominicaine représente l’espoir d’une vie meilleure. Environ 500 000 Haïtiens y vivent actuellement, mais tous ne bénéficient pas d’un statut légal. Les autorités dominicaines ont d’ailleurs expulsé plus de 143 000 Haïtiens sans papiers rien qu’au cours des cinq premiers mois de 2024.
Cette réalité rappelle l’histoire douloureuse de nombreuses familles haïtiennes de la diaspora, notamment aux États-Unis, au Canada ou en France, dont les proches restés au pays vivent dans l’angoisse quotidienne de la violence et de la pauvreté.
Une frontière de plus en plus hermétique
L’extension de ce mur s’inscrit dans une stratégie plus large de fermeture des frontières. Pour les autorités dominicaines, il s’agit de préserver la stabilité économique et sécuritaire de leur pays face à l’afflux de migrants fuyant la crise haïtienne.
Cependant, cette politique suscite de vives critiques de la part des organisations de défense des droits humains, qui dénoncent les conditions d’expulsions massives et pointent du doigt les risques de violations des droits fondamentaux.
Cette nouvelle extension du mur frontalier illustre l’aggravation des tensions entre les deux pays qui partagent l’île d’Hispaniola. Alors que les Haïtiens continuent de fuir leur pays en proie au chaos, cette barrière physique pose une question fondamentale : comment concilier sécurité nationale et solidarité humaine ? Une interrogation qui résonne bien au-delà des frontières caribéennes, notamment dans la diaspora haïtienne mondiale qui observe avec inquiétude l’évolution de cette crise.