À peine quatre jours après son appel à l’union sacrée, le coordonnateur du Conseil présidentiel de transition Laurent Saint-Cyr concrétise ses promesses en rencontrant l’ancien président Jean-Bertrand Aristide. Un geste symbolique fort dans un contexte où Haïti cherche désespérément la voie de la réconciliation.
Ce dimanche 11 août, Laurent Saint-Cyr a franchi un cap symbolique en s’entretenant avec Jean-Bertrand Aristide, figure emblématique et controversée de la politique haïtienne. Cette rencontre, annoncée par le coordonnateur lui-même sur les réseaux sociaux, marque la première concrétisation de sa promesse d’ouverture formulée lors de son discours d’investiture du 7 août.
Un dialogue « franc et constructif » autour de la sécurité
« Maten an, mwen te rankontre ak ansyen Prezidan Jean-Bertrand Aristide, nan lespri dyalòg ak inite nasyonal« , a écrit Saint-Cyr en créole sur son compte X, soulignant ainsi sa volonté de s’adresser directement au peuple haïtien dans sa langue. Traduit en français, le message révèle que les deux hommes ont abordé « l’urgence et la nécessité d’assurer la sécurité afin que nous puissions aller aux élections« .
Cette priorité accordée à la question sécuritaire résonne particulièrement dans un pays où les gangs contrôlent désormais plus de 60% de la capitale et où les citoyens, qu’ils vivent à Port-au-Prince, dans les provinces ou dans la diaspora, suivent avec inquiétude la dégradation de la situation.
Une démarche qui divise déjà
Si Saint-Cyr salue un « échange franc et constructif« , l’absence notable de photo officielle de cette rencontre n’est pas passée inaperçue. Une discrétion qui pourrait s’expliquer par la polarisation persistante autour de la figure d’Aristide, adoré par ses partisans de Lavalas mais honni par ses détracteurs qui lui reprochent notamment les troubles de 2004.
Pour beaucoup d’Haïtiens de la diaspora, particulièrement ceux installés aux États-Unis, au Canada ou en République dominicaine après les crises politiques successives, cette rencontre pourrait être perçue comme un signal positif vers la réconciliation nationale. D’autres, en revanche, y verront une légitimation discutable d’un passé politique controversé.
L’union sacrée à l’épreuve des faits
Le 7 août dernier, dans son discours d’installation, Laurent Saint-Cyr avait lancé un appel vibrant à l’union sacrée, promettant de rencontrer « d’anciens présidents, Premiers ministres, leaders politiques et représentants de la société civile« . Cette première rencontre avec Aristide teste déjà la crédibilité de cette approche inclusive.
La question qui se pose désormais est de savoir si cette démarche d’ouverture permettra réellement de rassembler les forces vives du pays autour d’un projet commun, ou si elle ne fera qu’attiser les divisions historiques qui paralysent Haïti depuis des décennies.
Face aux défis colossaux qui attendent Haïti – insécurité, crise économique, urgence électorale – Laurent Saint-Cyr mise sur le dialogue. Mais dans un pays où les blessures politiques restent béantes, cette stratégie de réconciliation saura-t-elle convaincre au-delà des déclarations d’intention ? Les prochaines rencontres avec d’autres figures politiques seront déterminantes pour mesurer la portée réelle de cette nouvelle approche.