Des paroissiens de Saint-Marc ont barricadé leur église dimanche matin pour protester contre leur curé, qu’ils accusent de détournement de fonds et de mauvaise gestion. Une crise qui divise la communauté religieuse et interpelle les autorités diocésaines.
Ce dimanche 1er juin 2025 restera gravé dans les mémoires des habitants de Saint-Marc. Vers 7 heures du matin, des fidèles ont découvert avec stupeur les portes de leur église paroissiale fermées de l’intérieur. Un groupe de paroissiens et de responsables avait pris cette décision radicale, annonçant clairement : « Les cultes sont suspendus jusqu’au départ du curé Venel Suffrard. »
Des accusations graves contre le père Suffrard
René Senatus, porte-parole du Comité de rénovation logistique de l’église, ne mâche pas ses mots. Il accuse le père titulaire de « détourner les fonds destinés aux travaux de réparation du bâtiment » et d’être « coupable de plusieurs reproches administratifs et moraux ». Pour les contestataires, le prêtre se comporte comme « un autocrate et un acariâtre » qui doit partir sans condition.
L’illustration la plus frappante de cette mauvaise gestion ? Une vingtaine de sacs de ciment durcis étalés devant l’église, témoins silencieux de projets abandonnés et de ressources gaspillées. « Ces matériaux tombent en désuétude pour n’avoir jamais été utilisés à temps, faute de moyens financiers mal gérés », explique Me Senatus.
Cette situation rappelle malheureusement les nombreux projets communautaires en Haïti qui restent inachevés, que ce soit dans nos quartiers de Port-au-Prince ou dans les communes de province, laissant les populations dans l’attente et la frustration.
Une crise qui dure depuis trop longtemps
Selon les protestataires, Saint-Marc devient la « troisième structure ecclésiastique » à se révolter contre ce prêtre. Ils reprochent également à l’évêque des Gonaïves, Yves Marie Péan, sa gestion de cette crise qui traîne en longueur.
Pourtant, les démarches officielles n’ont pas manqué : une pétition dénonciatrice datant d’une année, une banderole contestataire, et même une commission de trois prêtres envoyée par le diocèse pour étudier l’affaire. Mais les promesses de « solution satisfaisante » se font toujours attendre.
Le curé maintient sa position
Malgré la contestation, le père Venel Suffrard a célébré sa messe dominicale avec une quarantaine de fidèles présents dans l’enceinte avant la fermeture. Confiant, il déclare : « Mes mains ne tremblent pas », affirmant avoir le contrôle de la situation.
Le prêtre défend son bilan, particulièrement son « ministère de prière et de guérison » qui aurait fait chuter drastiquement le nombre de funérailles dans la paroisse, passant de « 3 à 5 par semaine » à beaucoup moins. Il accuse ses détracteurs d’avoir des « intérêts ésotériques cachés » et d’être frustrés qu’on « ne peut plus zombifier les défunts ».
Fait troublant : même ses opposants reconnaissent ses « dimensions spirituelles » et la véracité des « miracles » qu’on lui attribue, créant une situation paradoxale entre reconnaissance de ses dons charismatiques et rejet de sa gestion administrative.
Vers une résolution ?
Face à cette crise qui divise la communauté, les autorités locales tentent de jouer les médiateurs. Le juge de paix Me Faneld’s Filius Michel et l’agent exécutif Jean Edner Eugène Estiverne préparent une « réunion d’urgence » pour éviter que la situation ne dégénère davantage.
Cette crise de Saint-Marc soulève des questions fondamentales sur la gouvernance dans nos institutions religieuses et la gestion transparente des ressources communautaires. Pour les milliers de fidèles qui attendent de « pouvoir communier en toute quiétude dimanche prochain », l’heure est venue pour la hiérarchie épiscopale de trancher. Car au-delà des accusations et contre-accusations, c’est la foi d’une communauté entière qui est en jeu. Que pensez-vous de cette situation ? Comment concilier charisme spirituel et bonne gouvernance dans nos institutions ?