L’organisation Ensemble contre la corruption (ECC) révèle un système de détournement bien huilé au sein du MJSAC, dirigé par Niola Lynn Sarah Devalis Octavius. Entre chèques fictifs, contrats douteux et dépenses fantômes, c’est toute la gestion des fonds publics qui est remise en question.
Une fois de plus, la corruption frappe au cœur de l’État haïtien. Cette fois, c’est au tour du Ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action civique (MJSAC) de se retrouver sous les projecteurs pour les mauvaises raisons. Dans un rapport détaillé de dix pages, l’organisation Ensemble contre la corruption (ECC) dévoile un système de détournement qui fait froid dans le dos.
Une ministre déjà éclaboussée par le passé
Niola Lynn Sarah Devalis Octavius n’en est pas à son coup d’essai. Déjà impliquée dans un scandale de corruption entre 2016 et 2017 lorsqu’elle était secrétaire du directeur général adjoint Ernst Jean-Baptiste, elle a pourtant réussi à gravir les échelons jusqu’à devenir ministre en juin 2024. Un parcours qui interroge sur les mécanismes de contrôle au sein de l’administration publique haïtienne.
Des chiffres qui donnent le vertige
Les révélations de l’ECC dressent un tableau accablant :
L’explosion des frais de carburant : Depuis l’arrivée de la ministre, les frais mensuels de carburant sont passés de 3 millions à 6 millions de gourdes. Une augmentation de 100% alors que le ministère fonctionne souvent au ralenti faute d’électricité. Un paradoxe qui questionne sur l’usage réel de ces fonds.
Des biens fantômes : Des sommes colossales ont été dépensées pour l’achat de biens et services qui n’ont jamais intégré le patrimoine du ministère. Pourtant, selon les bordereaux consultés par l’ECC, ces biens ont été certifiés comme livrés. Une pratique qui rappelle les détournements systématiques dénoncés dans d’autres institutions publiques.
Le scandale des chèques posthumes : L’affaire prend une tournure surréaliste avec la découverte de 11 chèques émis au nom de personnes décédées et 79 autres destinés à d’anciens employés. Le tout représentant près de 3 millions de gourdes récupérées sur instruction de la ministre. Une pratique qui évoque les « employés fantômes » dénoncés régulièrement dans l’administration publique.
La fête du Drapeau à 50 millions : un gouffre financier
Le point culminant du scandale concerne les 50 millions de gourdes dépensées pour les activités liées à la fête du Drapeau du 18 mai dernier. Une somme astronomique dépensée dans l’opacité totale, sans aucun rapport justificatif. Pour nos compatriotes de la diaspora, cette somme représente l’équivalent d’environ 380 000 dollars américains gaspillés sans contrôle.
Des contrats entre amis
L’ECC épingle également un contrat de plus d’un million de gourdes passé avec la firme GER Consult, appartenant à l’ancien ministre Jean Marie Claude Germain, alors qu’il était membre du cabinet ministériel. Un cas flagrant de délit d’initié qui illustre comment les réseaux de pouvoir se servent mutuellement.
Un appel à l’action
Face à cette situation, l’ECC interpelle plusieurs institutions : la Banque de la République d’Haïti (BRH), l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC), l’Unité centrale de renseignements financiers (UCREF), la Cour supérieure des comptes et l’Inspection générale des finances. L’organisation demande une enquête approfondie et, si nécessaire, un transfert du dossier au Pôle judiciaire spécialisé sur les crimes financiers.
Cette affaire soulève une question fondamentale : jusqu’à quand les Haïtiens, qu’ils soient au pays ou à l’étranger, devront-ils assister impuissants au pillage systématique des ressources publiques ? Alors que nos compatriotes peinent à joindre les deux bouts, que nos jeunes manquent d’opportunités sportives et que nos infrastructures se dégradent, voir 53 millions de gourdes s’évaporer dans l’opacité est un affront à toute la nation haïtienne.