Une commission d’audit, une perquisition avec saisie de plus d’un million de gourdes en cash, et un rapport accablant d’Ensemble Contre la Corruption. La ministre de la Jeunesse Niola Lynn Sarah Devalis Octavius fait face à une tempête judiciaire sans précédent qui ébranle son ministère.
Le Ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action Civique (MJSAC) traverse sa plus grave crise depuis des années. Entre accusations de corruption systémique et perquisitions spectaculaires, l’institution dirigée par Niola Lynn Sarah Devalis Octavius se retrouve sous les projecteurs pour toutes les mauvaises raisons.
La justice se met en marche
Le 15 juillet 2025, la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) a officiellement notifié à la ministre la formation d’une commission d’audit. Cette commission aura pour mission de passer au peigne fin la gestion du MJSAC sur une période critique : du 1er octobre 2023 à juin 2025.
L’ampleur de l’enquête est impressionnante. Les auditeurs examineront non seulement le système de contrôle interne du ministère, mais aussi la conformité de toutes les opérations effectuées sous l’empire de la législation en vigueur. Ils vérifieront également la matérialité des comptes de gestion des biens meubles et immeubles du ministère.
Une perquisition qui fait du bruit
Mercredi 16 juillet 2025, le MJSAC a vécu des heures tendues. Des agents de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), accompagnés de policiers, ont investi les locaux du ministère pour une perquisition en règle. Le butin de cette opération est éloquent : 1 225 500 gourdes en espèces, découvertes dans un coffre-fort, ainsi que des documents administratifs et des supports numériques saisis.
Cette somme rondelette pourrait être liée au décaissement controversé de 50 millions de gourdes destinées à l’organisation des festivités de la fête du drapeau du 18 mai dernier. Une célébration qui, visiblement, coûte cher aux contribuables haïtiens.
ECC tire la sonnette d’alarme
Le 3 juillet dernier, l’organisation Ensemble Contre la Corruption (ECC) avait déjà mis le feu aux poudres avec un rapport au vitriol sur la gestion du MJSAC. L’ECC y dénonce « des cas graves de corruption, révélateurs de l’existence d’un système bien organisé et structuré pour favoriser les pratiques illicites. »
Cette dénonciation publique a visiblement déclenché une réaction en chaîne des institutions de contrôle, prouvant que la société civile haïtienne peut encore faire bouger les lignes quand elle s’organise.
La ministre sous pression
Face à cette offensive judiciaire, Niola Lynn Sarah Devalis Octavius se retrouve dans une position délicate. La CSCCA lui demande de collaborer pleinement en mettant à disposition de la commission d’audit tous les documents nécessaires avant le 29 juillet prochain. Rapports d’activités, pièces justificatives, inventaires des exercices 2023-2024 et 2024-2025 : rien ne doit être caché.
La cour lui demande également de désigner une personne de contact pour faciliter les échanges entre les deux institutions. Un détail qui montre que les autorités judiciaires ne plaisantent pas avec cette affaire.
Un ministère stratégique gangrené ?
Le MJSAC occupe une place particulière dans l’administration haïtienne. Chargé de la jeunesse et des sports, il gère des budgets importants et des programmes qui touchent directement la population, notamment les jeunes. Voir cette institution éclaboussée par un scandale de corruption fait particulièrement mal dans un pays où les opportunités pour la jeunesse se font rares.
Pour la diaspora haïtienne qui suit de près les affaires du pays, ce nouveau scandale rappelle douloureusement pourquoi tant de jeunes talents choisissent l’exil plutôt que de tenter leur chance dans un système miné par la corruption.
L’étau se resserre
Avec une commission d’audit en formation, des documents saisis et un rapport d’ECC qui fait le tour des médias, l’étau se resserre autour du MJSAC. La cour des comptes rappelle d’ailleurs qu’elle peut se présenter « au ministère, ainsi qu’en tous autres lieux, espaces et organes dont il assure la gestion » pour poursuivre ses investigations.
Cette affaire du MJSAC illustre une fois de plus l’ampleur de la corruption qui gangrène les institutions haïtiennes. Mais elle montre aussi que les mécanismes de contrôle, quand ils fonctionnent, peuvent encore inquiéter les corrompus. Reste à savoir si cette fois, la justice ira jusqu’au bout, ou si cette énième affaire finira dans les tiroirs comme tant d’autres avant elle. La diaspora et la population haïtienne attendent des réponses, pas des promesses.