Dix vies d’enfants fauchées en seulement dix jours dans la capitale haïtienne. L’UNICEF tire la sonnette d’alarme après une série d’incidents tragiques, dont une frappe de drone gouvernementale qui a coûté la vie à six mineurs dans le quartier de Simon Pelé. Une spirale de violence qui interpelle la communauté internationale et la diaspora haïtienne.
La représentante de l’UNICEF en Haïti, Geeta Narayan, n’a pas mâché ses mots dans sa déclaration du 23 septembre. « Depuis trop longtemps, les enfants en Haïti sont pris dans des cycles de violence », a-t-elle déploré, évoquant des familles « déchirées » et un sentiment de sécurité « réduit à néant » pour des enfants qui devraient simplement « apprendre, jouer et grandir en paix ».
Le drame de Merika, 4 ans, symbole d’une tragédie nationale
Merika Saint-Fort Charles avait quatre ans quand elle a perdu la vie samedi soir. Comme tous les enfants de son âge, elle jouait devant sa maison dans le quartier de Simon Pelé vers 20 heures. Un moment d’innocence brutalement interrompu par l’explosion d’un drone « kamikaze » déployé par le gouvernement haïtien.
« Les enfants étaient assis ici en train de jouer », raconte sa grand-mère Mimose Duclaire, la voix brisée par la douleur. « Alors qu’ils jouaient, j’ai entendu un ‘boum’ et quand j’ai regardé j’ai vu ses deux genoux brisés et sa tête fendue. » Malgré la course désespérée à l’hôpital, Merika n’a pas survécu à ses blessures.
Cette petite fille rejoint tragiquement la liste des victimes collatérales d’une guerre urbaine qui ne dit pas son nom. Pour les familles haïtiennes établies à l’étranger, ces images rappellent douloureusement pourquoi elles ont quitté leur pays natal.
Une opération anti-gang qui tourne au carnage
L’attaque visait pourtant un objectif précis : Albert Steevenson, alias « Djouma », chef de gang local qui célébrait son anniversaire. Un prospectus circulant en ligne qualifiait même ce dernier de « Roi Jouma », témoignant de l’emprise territoriale de ces groupes armés sur certains quartiers de la capitale.
Mais l’opération de la Police nationale d’Haïti a mal tourné. Selon le Réseau national de défense des droits humains, au moins huit enfants et trois adultes civils ont péri dans cette frappe, tandis que seulement quatre membres de gangs auraient été éliminés. Un bilan qui questionne l’efficacité et la proportionnalité de ces nouvelles tactiques gouvernementales.
Des drones, une stratégie controversée aux conséquences dramatiques
Cette tragédie n’est pas isolée. C’est la deuxième fois ce mois-ci qu’une frappe de drone gouvernementale cause des morts civiles. En août, une attaque similaire avait déjà coûté la vie à deux policiers et onze civils, révélant les failles de coordination dans l’usage de ces armes.
Pierre Espérance, du Réseau national de défense des droits humains, pointe du doigt ce qu’il considère comme un « manque de coordination et de supervision ». Une critique qui résonne particulièrement dans la diaspora haïtienne, où nombreux sont ceux qui s’interrogent sur l’évolution des méthodes de lutte contre l’insécurité.
L’appel pressant de l’UNICEF
Face à cette escalade meurtrière, l’UNICEF rappelle que « le droit international affirme sans équivoque que les enfants, ainsi que les services essentiels dont ils dépendent, doivent être protégés ». L’organisation exige « des mesures urgentes pour garantir la protection des enfants et le respect de leurs droits fondamentaux ».
Un message qui trouve un écho particulier chez les parents haïtiens du monde entier, qui voient dans ces tragédies le reflet de leurs propres angoisses pour leurs proches restés au pays.
Cette série noire soulève une question fondamentale : comment protéger l’innocence dans un pays où la violence est devenue le quotidien ? Pour les familles de la diaspora qui suivent ces événements depuis Miami, New York ou Montréal, chaque nom d’enfant victime ravive la douleur de l’exil et l’urgence de trouver des solutions durables. Car derrière chaque statistique se cache un Merika, une vie fauchée dans sa plus tendre enfance.