Des femmes commerçantes tuées par balles alors qu’elles tentaient de nourrir leurs familles. L’attaque armée du 8 juillet contre le navire « Bénédiction » illustre la barbarie des gangs qui étendent désormais leur terreur jusqu’en mer, s’attaquant aux piliers de l’économie informelle haïtienne.
Elles partaient travailler, comme tous les jours, ces courageuses « Madan Sara » qui font vivre l’économie haïtienne à bout de bras. Elles sont rentrées dans des cercueils ou ne sont jamais rentrées du tout. L’attaque du 8 juillet au soir contre le navire « Bénédiction » marque un nouveau cap dans l’horreur : les gangs s’attaquent maintenant directement aux femmes qui nourrissent Haïti.
Ces héroïnes du quotidien, connues de tous les Haïtiens d’ici et d’ailleurs, transportaient leurs marchandises entre Port-au-Prince et les communes de la Grand’Anse quand des bandits lourdement armés ont ouvert le feu sur leur embarcation. Un massacre en pleine mer qui glace le sang et interroge sur l’avenir de notre pays.
Un carnage sur les flots
L’attaque s’est déroulée dans la soirée sur la mer de Léogane. Des criminels à bord d’une chaloupe ont pris pour cibles ces femmes courageuses et leurs compagnons de voyage. Parmi les victimes, un jeune garçon originaire d’Anse-d’Hainault qui a succombé sur le coup après avoir reçu plusieurs projectiles. D’autres passagers, tentant d’échapper aux balles, se sont jetés à la mer et sont portés disparus.
Les blessés reçoivent des soins dans les centres hospitaliers de Corail et Jérémie, témoignant de la gravité de leurs blessures. Mais combien d’entre eux s’en sortiront ? Combien de familles pleurent aujourd’hui leurs proches partis chercher du travail ?
Les « Madan Sara » : piliers de l’économie haïtienne
Ces femmes que nos compatriotes de la diaspora connaissent bien, ces « Madan Sara » qui approvisionnent nos marchés depuis des générations, sont devenues les cibles des gangs. Elles qui permettent à des milliers de familles de survivre, qui transportent les produits de première nécessité d’une région à l’autre, qui maintiennent debout notre économie informelle.
Leur courage est légendaire. Elles bravent les routes dangereuses, les checkpoints des gangs, les extorsions quotidiennes, tout cela pour nourrir leurs enfants et alimenter les marchés haïtiens. Aujourd’hui, même la mer n’est plus sûre pour ces battantes.
Une escalade criminelle sans précédent
Cette attaque s’inscrit dans une escalade criminelle qui dépasse l’entendement. Après avoir bloqué les routes terrestres, tiré sur les avions à l’aéroport international Toussaint Louverture, les gangs étendent maintenant leur terreur aux voies maritimes. Le détournement récent du bateau « Seguère » par la coalition « Viv Ansanm », libéré seulement après le paiement de plusieurs rançons, annonçait déjà cette dérive.
Louimar Jean Baptiste, coordonnateur de l’assemblée de section communale des îles Caïmites, lance un appel désespéré aux autorités pour renforcer les capacités des forces de sécurité. Mais que peuvent faire ces autorités dépassées par l’ampleur de la violence ?
L’impuissance des autorités
Pendant que les gangs intensifient leur hégémonie sur tout le territoire national, les autorités regardent, impuissantes. Terre, air, mer : plus aucune voie n’échappe au contrôle des criminels. Comment un État peut-il laisser massacrer ainsi ses citoyens les plus vulnérables ?
Ces « Madan Sara » qui ont toujours trouvé le moyen de faire circuler les marchandises, même dans les pires crises, se retrouvent aujourd’hui prises au piège. Leurs familles, leurs communautés, toute la chaîne alimentaire haïtienne dépend de leur courage et de leur détermination.
En s’attaquant aux « Madan Sara », les gangs frappent au cœur de ce qui fait encore battre l’économie haïtienne. Ces femmes extraordinaires méritent protection et respect, pas les balles des criminels. Leur courage nous interpelle tous, ici comme dans la diaspora : jusqu’où laisserons-nous ces barbares détruire ce qui reste de notre pays ? Le sang de ces héroïnes du quotidien ne doit pas couler en vain.