Le chargé d’affaires Henry Wooster dévoile la nouvelle stratégie de Washington : durcissement contre les gangs, restructuration de la mission internationale et responsabilisation d’Haïti. Une approche qui divise déjà l’opinion publique haïtienne.

Vingt-cinq ans après sa première mission en Haïti, Henry Wooster est de retour. Cette fois, le diplomate américain porte un message ferme de l’administration Trump : fini les demi-mesures. Dans un entretien accordé à la presse ce vendredi 22 août, le chargé d’affaires de l’ambassade des États-Unis a tracé les grandes lignes d’une politique américaine durcie envers la crise haïtienne.

Une guerre déclarée aux financiers de gangs

« L’ère de l’impunité est révolue », a martelé Wooster, citant les récentes arrestations qui ont fait trembler certains milieux d’affaires. Pierre Réginald Boulos, Richardson Bazile, Jolly Germine, André Nieto… Ces noms résonnent particulièrement dans les cercles économiques haïtiens et de la diaspora, où nombreux sont ceux qui connaissaient leur influence.

La désignation en mai dernier de « Viv Ansanm » et « Gran Grif » comme organisations terroristes n’était qu’un début. Désormais, quiconque finance ces groupes, qu’il soit à Port-au-Prince, Miami, New York ou Montréal, risque les tribunaux américains. Une menace qui fait écho aux préoccupations de nombreux Haïtiens de l’étranger, souvent sollicités pour des « contributions » douteuses.

L’offre de 5 millions de dollars pour Jimmy « Barbecue » Chérizier illustre cette escalade. Une somme qui représente plus que le budget annuel de nombreuses communes haïtiennes, et qui témoigne de la détermination américaine.

La MMAS en fin de parcours

Après 835 millions de dollars investis dans la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) et 248 millions pour la Police nationale, Washington tire un constat d’échec. « C’est clair que la MMAS doit changer », a admis Wooster, sans pour autant critiquer ouvertement les forces kényanes.

Cette remise en question soulève des interrogations cruciales pour les Haïtiens. Combien de temps encore leurs compatriotes devront-ils subir l’insécurité en attendant qu’une nouvelle formule soit trouvée ? Et surtout, cette future mission aura-t-elle plus de succès que la précédente ?

La volonté américaine de ne plus porter seule le « fardeau financier » pose également question. Les autres pays membres de l’ONU accepteront-ils de prendre le relais ? L’expérience montre que les promesses internationales envers Haïti sont souvent suivies de déceptions.

« L’avenir d’Haïti entre les mains des Haïtiens »

Cette formule, répétée par tous les diplomates depuis des décennies, prend une résonance particulière dans le contexte actuel. Alors que le Conseil présidentiel de transition peine à faire consensus et que les élections se font attendre, la responsabilisation prônée par Wooster semble plus facile à dire qu’à faire.

Pour beaucoup d’Haïtiens, tant au pays que dans la diaspora, cette rhétorique cache une forme de désengagement déguisé. Comment les autorités haïtiennes peuvent-elles reprendre le contrôle quand l’État lui-même est fragilisé ?

Une frustration partagée

« Je comprends que les Haïtiens ressentent de la colère et de la frustration », a reconnu le diplomate. Cette empathie affichée contraste avec la froideur habituelle des déclarations diplomatiques, mais suffira-t-elle à rassurer une population exsangue ?

Les familles séparées par la violence, les commerçants ruinés, les étudiants privés d’école, tous attendent des actes concrets plutôt que des promesses. La diaspora haïtienne, pilier économique du pays avec ses transferts d’argent, observe elle aussi avec inquiétude l’évolution de la situation.

L’approche Trump marque-t-elle un tournant décisif ou n’est-ce qu’une énième tentative vouée à l’échec ? Une chose est certaine : entre les promesses diplomatiques et la réalité du terrain, le fossé reste immense. Les prochains mois diront si cette nouvelle stratégie américaine saura enfin briser le cycle infernal qui étouffe Haïti depuis trop longtemps.

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