Face aux menaces de droits de douane de Donald Trump, le Canada fait marche arrière et annule sa taxe sur les services numériques qui devait frapper Google, Meta et Amazon. Un recul qui illustre le rapport de force entre les deux voisins nord-américains dans une guerre commerciale qui s’intensifie.
Deux jours après que Donald Trump ait claqué la porte des négociations commerciales, Ottawa capitule. Le ministre canadien des Finances, François-Philippe Champagne, a annoncé dimanche l’annulation pure et simple de la taxe sur les services numériques (TSN) qui devait entrer en vigueur ce lundi. Une reculade spectaculaire qui révèle l’ampleur de la pression exercée par Washington sur son voisin du Nord.
Une taxe dans le viseur de Trump
La TSN canadienne, adoptée l’an dernier, n’était pourtant pas révolutionnaire. Cette ponction de 3% sur les revenus tirés de la publicité en ligne, des plateformes de vente, des réseaux sociaux ou de la vente de données personnelles visait les géants du numérique réalisant plus de 1,1 milliard de dollars canadiens de chiffre d’affaires mondial annuel.
Dans le collimateur : Google, Apple, Meta (Facebook), Amazon et Microsoft, ces mastodontes accusés d’utiliser le caractère immatériel de leurs activités pour échapper à l’impôt. Une problématique que connaissent bien d’autres pays, de la France à l’Australie, qui ont également tenté de taxer ces géants.
Mais pour Donald Trump, cette taxe constituait un « coup direct et évident » porté aux États-Unis. Sur son réseau Truth Social, le président américain l’avait qualifiée de « scandaleuse », menaçant d’imposer des droits de douane au Canada dans les sept jours.
Le chantage aux droits de douane
Cette escalade s’inscrit dans une stratégie plus large de Trump qui utilise les menaces commerciales comme levier diplomatique. Depuis son retour au pouvoir en janvier, les relations canado-américaines se sont considérablement dégradées, le président américain allant jusqu’à suggérer que le Canada devienne le 51e État des États-Unis.
Les secteurs canadiens de l’automobile, de l’acier et de l’aluminium sont particulièrement dans le viseur, malgré l’existence de l’ACEUM (Accord Canada-États-Unis-Mexique), le traité de libre-échange qui lie les trois pays. Une ironie quand on sait que cet accord avait été renégocié sous la première présidence Trump pour remplacer l’ALÉNA.
Ottawa mise sur l’apaisement
En retirant sa taxe numérique, le gouvernement canadien espère relancer les négociations commerciales et parvenir à un accord d’ici le 21 juillet. « Retirer la taxe sur les services numériques fera avancer les discussions et appuiera nos efforts pour créer des emplois et bâtir de la prospérité », justifie François-Philippe Champagne sur X.
Une stratégie d’apaisement qui contraste avec les déclarations plus fermes du Premier ministre Mark Carney, qui avait promis de « continuer à mener ces négociations complexes, dans l’intérêt supérieur des Canadiens ». La réalité économique semble avoir eu raison des velléités de résistance.
Un précédent inquiétant ?
Cette capitulation canadienne pourrait faire des émules. Plusieurs pays européens ont également adopté ou envisagent des taxes similaires sur les géants du numérique. La France, pionnière en la matière avec sa taxe GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), surveille certainement de près cette séquence canado-américaine.
Le message de Trump est clair : toute tentative de taxation des entreprises technologiques américaines sera considérée comme un acte hostile passible de représailles commerciales. Une doctrine qui pourrait redéfinir les rapports de force dans l’économie numérique mondiale.
L’asymétrie des relations nord-américaines
Cette crise révèle surtout l’asymétrie fondamentale entre les États-Unis et le Canada. Malgré la proximité géographique, culturelle et économique, Ottawa reste largement dépendant de son voisin du Sud. Les États-Unis représentent plus de 75% du commerce extérieur canadien, créant une dépendance structurelle que Trump n’hésite pas à exploiter.
Pour les entreprises canadiennes et les travailleurs des secteurs menacés, l’enjeu dépasse largement la question fiscale. C’est l’accès au marché américain, vital pour l’économie canadienne, qui est en jeu.
Cette reculade canadienne marque-t-elle le début d’une nouvelle ère dans les relations commerciales internationales, où la menace trumpienne suffit à faire plier les partenaires traditionnels des États-Unis ? La réponse viendra peut-être des prochaines négociations, mais le précédent est désormais établi : face à Trump, même les alliés les plus proches peuvent être contraints de céder.