L’administration Trump vient de signer un décret interdisant l’entrée aux États-Unis aux ressortissants de 12 pays, dont Haïti. Une mesure qui entrera en vigueur le 9 juin et qui risque de bouleverser les projets de milliers d’Haïtiens rêvant de l’Amérique.
C’est un coup de tonnerre pour la communauté haïtienne. Donald Trump a signé mercredi 4 juin un décret interdisant l’entrée sur le territoire américain aux citoyens de douze pays, parmi lesquels figure Haïti. Cette mesure, qui rappelle le controversé « muslim ban » du premier mandat trumpien, entrera en vigueur dès le 9 juin.
Haïti pointée du doigt par Washington
Dans sa proclamation, l’administration Trump accuse directement Haïti d’avoir laissé « des centaines de milliers d’Haïtiens » entrer « illégalement aux États-Unis durant l’administration Biden ». Le texte officiel va plus loin, affirmant sans preuve que cette immigration aurait nui aux Américains en favorisant « l’établissement de réseaux criminels ».
Ces accusations font écho aux stéréotypes véhiculés depuis des années sur l’immigration haïtienne, alors que nos compatriotes fuient massivement l’insécurité et la crise économique qui gangrènent le pays. Pour beaucoup d’Haïtiens, qu’ils soient encore au pays ou déjà installés dans la diaspora, ces propos résonnent comme une gifle.
Un « travel ban » élargi
Aux côtés d’Haïti, onze autres pays subissent le même sort : l’Afghanistan, la Birmanie, le Tchad, le Congo-Brazzaville, la Guinée équatoriale, l’Erythrée, l’Iran, la Libye, la Somalie, le Soudan et le Yémen. Sept autres nations font l’objet de restrictions partielles, dont Cuba et le Venezuela.
« Je dois protéger la sécurité nationale et l’intérêt des États-Unis et de son peuple », a déclaré Trump pour justifier sa décision. Le président américain invoque notamment la menace des « terroristes étrangers » et le taux de ressortissants des pays concernés qui demeurent aux États-Unis après l’expiration de leur titre de séjour.
Les vraies raisons derrière la mesure
Au-delà des justifications sécuritaires, la proclamation de la Maison Blanche détaille les griefs contre chaque pays. Pour Haïti, Washington pointe du doigt le refus supposé de reprendre ses concitoyens expulsés et un manque de compétences des autorités haïtiennes en matière d’état civil.
Cette dernière critique sonne particulièrement cruel quand on sait que l’État haïtien peine à fonctionner normalement depuis des années, rongé par l’instabilité politique et l’insécurité généralisée. Comment reprocher à un pays en pleine décomposition institutionnelle de ne pas avoir des services administratifs à la hauteur des exigences américaines ?
Un déjà-vu qui inquiète
Cette mesure rappelle furieusement le « muslim ban » de 2017, qui avait déjà visé plusieurs pays à majorité musulmane. À l’époque, les ressortissants irakiens, syriens, iraniens, soudanais, libyens, somaliens et yéménites étaient dans le viseur. Aujourd’hui, à l’exception de l’Irak, tous ces pays se retrouvent à nouveau sur la liste noire.
« Nous ne laisserons pas ce qui s’est passé en Europe se produire en Amérique », a lancé Trump, faisant allusion aux attentats djihadistes ayant frappé plusieurs pays européens. Une rhétorique de la peur qui amalgame des situations très différentes et place Haïti dans le même panier que des pays en guerre.
Quel impact pour la diaspora haïtienne ?
Cette interdiction risque de compliquer davantage les projets de réunification familiale pour les Haïtiens de la diaspora américaine. Finis les voyages de dernière minute pour voir la famille restée au pays, finis aussi les projets d’installation aux États-Unis pour de nombreux compatriotes.
La mesure intervient à un moment où Haïti traverse l’une des crises les plus graves de son histoire. Avec plus de 60% du territoire contrôlé par les gangs et une économie en chute libre, nombreux sont ceux qui voient dans l’émigration leur seule planche de salut.
Une décision qui divise
Cette nouvelle donne place la communauté haïtienne-américaine, forte de plus d’un million de personnes, dans une position délicate. Comment concilier l’amour du pays d’accueil avec la solidarité envers la terre natale ?
Pour Donald Trump, cette mesure respecte ses promesses de campagne. « Le président Trump tient sa promesse de protéger les Américains contre les agents étrangers dangereux », a déclaré la porte-parole adjointe de la Maison Blanche. Mais pour des millions d’Haïtiens, cette décision sonne comme une porte qui se ferme sur l’espoir américain.