Une mesure qui pourrait coûter des millions de dollars à Haïti vient d’être adoptée par la Chambre des représentants américaine. La taxe de 3,5% sur les envois d’argent proposée par Donald Trump menace directement la survie économique de milliers de familles haïtiennes qui dépendent des transferts de la diaspora.
Pour comprendre l’ampleur de cette menace, il suffit de regarder les chiffres : en 2024, Haïti a reçu 3,635 milliards de dollars américains en transferts d’argent, représentant 16,3% de tout le produit intérieur brut du pays. C’est comme si un sixième de toute l’économie haïtienne dépendait directement de l’argent envoyé par nos frères et sœurs établis aux États-Unis.
Une mesure qui vise directement la diaspora haïtienne
La taxe proposée frapperait tous les envois d’argent effectués par des non-citoyens américains, incluant les résidents permanents et les détenteurs de visa. Seuls les citoyens américains d’origine haïtienne en seraient exemptés, à condition qu’ils utilisent des opérateurs agréés et prouvent leur statut de citoyen.
Cette distinction créerait une situation particulièrement difficile pour la diaspora haïtienne, dont une grande partie n’a pas encore obtenu la citoyenneté américaine. Beaucoup de nos compatriotes, arrivés récemment ou encore en processus de régularisation, verraient leurs envois amputés de 3,5%.
Pour une famille haïtienne qui reçoit 200 dollars par mois – une somme courante – cette taxe représenterait 7 dollars de moins à chaque envoi, soit 84 dollars perdus sur l’année. Multipliez cela par des dizaines de milliers de familles, et l’impact devient colossal.
Haïti n’est pas seul dans cette épreuve
La mesure toucherait également d’autres pays de la région qui dépendent massivement des transferts. Le Mexique, qui a reçu près de 65 milliards de dollars en 2024, verrait ses recettes amputées de plus de 2 milliards. Au Honduras, où les transferts représentent 26,8% du PIB, l’impact serait proportionnellement encore plus dramatique.
En République dominicaine, voisine d’Haïti, les 10,756 milliards de dollars reçus en 2024 représentent 8,7% du PIB, avec plus de 80% provenant des États-Unis. La Jamaïque, avec ses 3,357 milliards reçus (dont 70% depuis les États-Unis), fait face au même défi.
Un pilier économique menacé
Il faut comprendre que ces transferts ne sont plus un simple « plus » pour l’économie haïtienne : ils en sont devenus un pilier fondamental. Chaque envoi rapporte également 1,50 dollar à l’État haïtien, argent destiné au financement des infrastructures éducatives – un secteur déjà en grande difficulté.
Selon la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), sans ces envois, des millions de familles perdraient leur seule source de revenu stable. Dans le cas d’Haïti, comme pour le Guatemala, le Salvador, le Honduras et le Nicaragua, les transferts dépassent les 18% du PIB, atteignant parfois 25%.
960 millions de dollars de pouvoir d’achat en danger
Les économistes estiment que cette taxe pourrait faire perdre 960 millions de dollars annuels en pouvoir d’achat aux ménages de la région. Pour Haïti, cela représenterait environ 127 millions de dollars de moins dans les poches des familles chaque année – de l’argent qui ne servira plus à acheter de la nourriture, payer l’école des enfants ou les soins médicaux.
Cette perspective inquiète non seulement les gouvernements et les banques centrales, mais aussi les économistes qui voient dans cette mesure un coup dur porté à des économies déjà fragiles.
La balle est maintenant dans le camp du Sénat américain, qui doit encore approuver cette mesure. Pour la diaspora haïtienne et les millions de familles qui dépendent de leur soutien, l’enjeu est vital. Comment nos communautés s’adapteront-elles si cette taxe devient réalité ? Et surtout, quelles alternatives Haïti pourra-t-il développer pour réduire sa dépendance à ces transferts essentiels ?