Les Îles Turques-et-Caïques imposent un moratoire de six mois sur les premiers permis de travail et visas accordés aux Haïtiens. Une décision drastique prise après une fusillade meurtrière que les autorités locales lient à la criminalité dans les communautés haïtiennes.
Le couperet vient de tomber. Le 30 juillet 2025, le gouvernement des Îles Turques-et-Caïques a annoncé un moratoire immédiat de six mois sur la délivrance de premiers permis de travail et de visas aux ressortissants haïtiens. Une mesure sans précédent qui affectera directement les milliers d’Haïtiens qui voient dans ce territoire britannique des Caraïbes une terre d’opportunités.
Cette décision, entérinée lors de la 18e réunion du cabinet ministériel, intervient dans un contexte explosif : une fusillade de masse qui a fait trois morts et dix blessés le dimanche 28 juillet à Providenciales, l’île la plus peuplée de l’archipel.
Quand la tragédie devient prétexte
« Nous sommes désormais confrontés à des meurtres de type gangster, et une grande partie de cette violence gangster semble se concentrer dans nos communautés haïtiennes », a déclaré le Premier ministre Charles Washington Misick lors d’une conférence de presse. Des propos qui résonnent douloureusement pour les familles haïtiennes installées légalement sur l’archipel.
Cette fusillade, qualifiée de « première fusillade de masse dans l’histoire récente du territoire », a servi de catalyseur à une politique déjà en gestation. Le gouvernement justifie sa décision par « l’instabilité persistante en Haïti et l’afflux de demandes en provenance de cette région ».
Une stratégie à double tranchant
Au-delà du moratoire sur les visas, les autorités turques ont lancé une offensive contre les « quartiers informels », ces zones où vivent de nombreux migrants haïtiens dans des conditions précaires. Le gouvernement les qualifie désormais de « refuges pour criminels » et de « sources d’insécurité ».
Après un incendie survenu le 24 juillet dans le quartier de Blue Hills, peuplé majoritairement d’Haïtiens, les autorités ont immédiatement déclaré la zone « sinistrée » pour 90 jours, interdisant toute reconstruction. Une mesure qui semble davantage viser le déplacement des populations que leur protection.
La diaspora haïtienne prise en étau
Pour les Haïtiens établis aux Turks and Caicos, cette décision représente un coup dur. Beaucoup travaillent dans le secteur touristique florissant de l’archipel, dans la construction ou les services domestiques. Leurs familles en Haïti dépendent souvent des transferts d’argent qu’ils envoient régulièrement.
« Cette pause nous permettra d’élaborer un processus de vérification plus rigoureux », explique le Premier ministre Misick, annonçant par la même occasion l’instauration prochaine d’un système de quotas pour les permis de travail.
Port-au-Prince appelle au calme
Face à cette crise, le ministère haïtien des Affaires étrangères a adopté un ton mesuré. Tout en condamnant la fusillade et exprimant ses condoléances, la chancellerie haïtienne a lancé un appel pressant à la communauté haïtienne sur place.
« Le ministère invite la communauté haïtienne aux Îles Turques-et-Caïques au calme, à la prudence et à la retenue », peut-on lire dans le communiqué officiel. Un appel à ne pas « se laisser manipuler ou instrumentaliser par les événements récents ».
Un précédent inquiétant
Cette décision des Turks and Caicos s’inscrit dans une tendance régionale préoccupante. Après les Bahamas et la République dominicaine, c’est un autre territoire caribéen qui durcit sa politique migratoire envers Haïti. Pour les Haïtiens fuyant l’insécurité dans leur pays, les destinations se raréfient.
Le gouvernement local a également modifié sa législation sur la gestion des catastrophes pour inclure « les menaces à la sécurité nationale résultant d’actes criminels », donnant ainsi plus de pouvoirs aux forces de l’ordre pour imposer couvre-feux et restrictions.
Cette crise aux Turks and Caicos révèle la fragilité de la position des communautés haïtiennes dans la Caraïbe. Coincées entre la violence qui ravage leur pays d’origine et la méfiance grandissante des pays d’accueil, ces populations se retrouvent otages d’une géopolitique régionale de plus en plus hostile. La question demeure : que faire quand même les îles paradisiaques ferment leurs portes ?