L’Université d’État d’Haïti et le Conseil Électoral Provisoire lancent une chaire spécialisée dans les opérations électorales. Un pari audacieux pour former les futurs artisans d’élections crédibles dans un pays habitué aux crises postélectorales.
Dans les salons feutrés de Pétion-Ville, une initiative pourrait bien changer la donne démocratique en Haïti. Ce vendredi 25 juillet 2025, l’Université d’État d’Haïti (UEH) et le Conseil Électoral Provisoire (CEP) ont officiellement lancé « la chaire de droit et d’administration des opérations électorales », un projet ambitieux qui ambitionne de professionnaliser enfin la gestion électorale du pays.
Quand l’université rencontre la démocratie
Cette cérémonie solennelle marque la naissance d’un partenariat stratégique inédit entre deux institutions indépendantes. D’un côté, l’UEH apporte son expertise académique et ses ressources intellectuelles. De l’autre, le CEP met sur la table son expérience du terrain électoral et s’engage à financer partiellement cette initiative révolutionnaire.
Le recteur Dr Dieuseul Prédelus et le président du CEP Patrick Saint-Hilaire ont tous deux salué cette « réponse institutionnelle forte » aux maux chroniques qui gangrènent les processus électoraux haïtiens : manque de légitimité, déficit de confiance, instabilité récurrente.
Former pour transformer
L’objectif est clair : en finir avec l’amateurisme électoral qui plombe régulièrement le pays. Cette chaire, logée au sein de la faculté de droit et des sciences économiques, se donne pour mission de former une nouvelle génération de spécialistes électoraux. Employés du CEP, étudiants de l’UEH, agents des institutions concernées, et même citoyens volontaires pourront bénéficier de formations courtes, d’ateliers, de sessions intensives, voire de diplômes universitaires complets.
« Il faut en finir avec une gestion électorale dépourvue d’expertise », a martelé Dr Prédelus, évoquant ces crises postélectorales qui émaillent régulièrement l’actualité politique haïtienne. Pour tous les Haïtiens de la diaspora qui suivent avec anxiété chaque scrutin depuis Miami, Montréal ou Paris, cette initiative représente un espoir tangible de voir enfin leur pays organiser des élections apaisées.
Une culture démocratique à réinventer
Me Jean Eugène Pierre-Louis, président du conseil scientifique de cette nouvelle chaire, a été clair sur l’ambition : « promouvoir une nouvelle culture électorale fondée sur le respect des règles du jeu démocratique, la reconnaissance des résultats des urnes et la légitimité des mandats ».
Un défi colossal dans un pays où chaque élection semble déclencher son lot de contestations, de violences et d’instabilité. Patrick Saint-Hilaire a qualifié cette création de « jalon historique », promettant l’appui total du CEP pour toutes les activités futures : production de données, organisation de stages, conférences, accès aux archives.
Cinq ans pour changer la donne
Le partenariat est signé pour cinq ans, renouvelable. Cinq années pour transformer les mentalités, former les cadres, et jeter les bases d’une démocratie plus solide. L’université s’engage à rester dans son rôle académique, sans s’immiscer dans les opérations électorales proprement dites.
Cette chaire devra également encourager la recherche scientifique sur les enjeux électoraux haïtiens, une dimension cruciale souvent négligée dans les analyses politiques du pays.
L’espoir fragile d’une démocratie apaisée
Cette initiative arrive à point nommé dans un contexte où Haïti peine à organiser des élections régulières et acceptées par tous. Pour les millions d’Haïtiens qui aspirent à une démocratie fonctionnelle, cette chaire représente peut-être le chaînon manquant entre les ambitions démocratiques et la réalité du terrain.
Reste maintenant à voir si cette belle initiative académique saura résister aux turbulences politiques haïtiennes et produire les résultats espérés. Car au-delà des discours et des signatures, c’est bien l’avenir démocratique d’Haïti qui se joue dans les amphithéâtres de cette nouvelle chaire électorale.