Le Conseil Présidentiel de Transition marque un an au pouvoir, mais la crise sécuritaire et politique paralyse le pays
Un an après l’installation du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), Haïti sombre dans le chaos, avec des gangs contrôlant Port-au-Prince et des institutions en déroute. Pour les Haïtiens, en Haïti et dans la diaspora, cet anniversaire est un cri d’alarme face à un avenir incertain.
Une promesse d’unité brisée
Le 25 avril 2024, les neuf membres du CPT – Leslie Voltaire, Emmanuel Vertilaire, Smith Augustin, Edgard Leblanc Fils, Fritz Alphonse Jean, Louis Gérald Gilles, Laurent St-Cyr, Frinel Joseph et Régine Abraham – prêtaient serment en secret au Palais national, loin des regards des gangs. Formé par l’Accord du 3 avril, ce conseil, réunissant des partis comme Fanmi Lavalas, Pitit Dessalines et des groupes de la société civile, promettait de restaurer la sécurité et d’organiser des élections. Un an plus tard, le bilan est sombre : Port-au-Prince est à feu et à sang, et le CPT a perdu le contrôle, abandonnant même le Palais national pour se retrancher à la Villa d’Accueil.
« On nous a vendu de l’espoir, mais on récolte du désespoir », lâche Pierre, un commerçant de Delmas, sur X. À Miami, où la diaspora suit la crise via WhatsApp, la déception est palpable. « On voulait un pays, pas un partage de postes », confie Marie, une enseignante haïtienne à Brooklyn.
Les gangs, maîtres du terrain
En un an, les gangs de la coalition Viv Ansanm ont étendu leur emprise, contrôlant 85 % de Port-au-Prince et des pans entiers de l’Ouest, de l’Artibonite et du Centre. Des communes comme Carrefour, Gressier, Cité Soleil, Delmas, Tabarre, Croix-des-Bouquets et Kenscoff sont tombées, en tout ou en partie, sous leur joug. L’aéroport Toussaint Louverture est déserté par les compagnies aériennes, et les routes nationales, comme celle reliant Port-au-Prince à Cap-Haïtien, sont des coupe-gorge.
Les affrontements à Pacot et Canapé-Vert, où cinq brigadiers d’autodéfense ont été tués le 23 avril, illustrent l’impuissance du CPT. La Police nationale d’Haïti (PNH), minée par des conflits internes – notamment entre le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé et le chef de la police Rameau Normil – et une mission multinationale kenyane sous-équipée, ne parvient pas à reprendre le dessus. « On vit comme des prisonniers dans notre propre pays », déplore un habitant de Pétion-Ville.
Scandales et immobilisme
Le CPT, censé incarner l’unité, s’est embourbé dans des scandales. Trois conseillers sont impliqués dans une affaire de corruption, ternissant davantage leur crédibilité. Plutôt que de gouverner, ils se sont partagé ministères, ambassades et privilèges, rappelant les critiques du bâtonnier Monferrier Dorval : « Ils ne dirigent ni n’administrent. » À Montréal, où la diaspora envoie des millions pour soutenir les familles, cet enrichissement choque. « Pendant qu’ils se remplissent les poches, nos enfants n’ont rien à manger », s’indigne un Haïtien sur X.
Les structures créées, comme le Conseil électoral provisoire (CEP) et le Comité de pilotage de la conférence nationale, sont paralysées. Le CEP, qui visait un référendum constitutionnel en mai 2025 et des élections en novembre, n’a ni calendrier ni budget. Le Conseil national de sécurité (CNS), instauré en décembre 2024 pour coordonner la lutte contre les gangs, n’a jamais vu le jour. « C’est un pays sans gouvernail », résume un analyste à Port-au-Prince.
Une population à bout de souffle
Avec 5,7 millions de personnes en insécurité alimentaire et plus d’un million de déplacés, Haïti suffoque. La fermeture de l’Hôpital de Mirebalais et de l’hôtel Marriott, l’isolement de Port-au-Prince et les déportations massives depuis la République Dominicaine aggravent la crise. Pourtant, le CPT et le gouvernement, après deux Premiers ministres en un an (Gary Conille et Alix Didier Fils-Aimé), recyclent des promesses usées : renforcer la PNH et les Forces armées, comme sous Jovenel Moïse.
À New York, où la diaspora suit les nouvelles, l’amertume domine. « On nous a trahis encore une fois », confie Jean, un restaurateur. Les récents combats des brigades d’autodéfense, comme à Canapé-Vert, rappellent le courage du peuple, mais aussi l’absence de leadership.
Un compte à rebours critique
À dix mois de la fin de son mandat, fixé au 7 février 2026 sans possibilité de prolongation, le CPT semble à court de solutions. L’Accord du 3 avril, jadis salué pour son inclusivité, est un souvenir lointain, abandonné par ses signataires. La Villa d’Accueil, siège du CPT, est elle-même menacée par les gangs, symbole d’un État en déroute.
Malgré tout, des lueurs d’espoir émergent. Le don de 50 millions de dollars de la Banque Mondiale pour l’agriculture, signé le 25 avril, et la résistance des communautés, comme à Jacmel, montrent que le renouveau est possible. Mais le temps presse. À nous, Haïtiens d’Haïti et de la diaspora, de demander des comptes et de pousser pour un sursaut. Si le CPT échoue, qui relèvera Haïti ? Votre voix compte : que feriez-vous pour sauver notre pays ?