Jameson Duperval, professeur d’économie à l’Université d’État d’Haïti, vient de décrocher une prestigieuse reconnaissance internationale en étant désigné leader mondial en inclusion financière. Sa vision innovante pour les femmes agricultrices haïtiennes conquiert les experts de 700 pays réunis en Namibie.
Une consécration méritée pour l’expertise haïtienne
Le 3 septembre 2025, en Namibie, lors du Global Policy Forum de l’Alliance for Financial Inclusion (AFI), Jameson Duperval a reçu une distinction qui fait la fierté de tous les Haïtiens. Sélectionné parmi les meilleurs candidats mondiaux par la prestigieuse Fletcher School de l’Université de Tufts et l’AFI, cet économiste haïtien de formation internationale – il poursuit son doctorat à l’Université Paris Dauphine-PSL – a impressionné 700 régulateurs financiers et décideurs politiques venus du monde entier.
Cette reconnaissance, obtenue après un programme exigeant de neuf mois, place Haïti au cœur des débats mondiaux sur l’avenir de la finance inclusive. Un accomplissement d’autant plus remarquable qu’il émane d’un pays souvent absent des grandes discussions économiques internationales.
L’innovation au service des femmes rurales haïtiennes
Le projet qui a séduit le jury international cible un enjeu crucial pour Haïti : l’accès au crédit des femmes agricultrices dans les départements du Sud et du Sud-Est. Ces régions, bien que vulnérables, regorgent d’un potentiel agricole immense souvent inexploité faute de financement.
Duperval ne se contente pas d’une approche technique. Sa vision est systémique et transformante. « On ne peut pas bâtir un système inclusif sans lois claires, sans cadre réglementaire solide, ni sans vision d’ensemble », explique-t-il, pointant du doigt le manque de coordination entre les banques, les fintechs et les ONG.
Cette analyse résonne particulièrement chez les Haïtiens qui constatent au quotidien les défaillances du système financier traditionnel, souvent inaccessible aux populations rurales et aux petits entrepreneurs.
Au-delà du mobile money : construire une vraie protection financière
Dans un pays où des plateformes comme Mon Cash, NatCash ou KashPaw ont révolutionné les transferts d’argent – particulièrement précieuses pour les familles recevant des fonds de la diaspora – Duperval identifie un paradoxe troublant. « Les mobile money ont ouvert une porte, mais elles ne sont pas encore une maison », analyse-t-il avec justesse.
Certes, des millions d’Haïtiens non bancarisés peuvent désormais recevoir des transferts, payer leurs factures ou effectuer des transactions. Mais ces outils restent limités à la transaction pure, sans offrir la protection financière fondamentale dont ont besoin les plus vulnérables.
Une stratégie révolutionnaire en trois axes
L’économiste haïtien propose une approche révolutionnaire articulée autour de trois piliers :
Des produits financiers sur mesure
- Échéanciers post-récolte : remboursement des prêts après les récoltes, quand les revenus sont disponibles
- Périodes de grâce pour favoriser l’investissement initial sans pression immédiate
- Procédures simplifiées adaptées aux personnes peu scolarisées
- Fonds de garantie dédié aux femmes pour réduire les risques et stimuler les financements
La digitalisation intelligente
En s’appuyant sur des partenariats avec les prestataires de services financiers numériques régulés par la BRH, les prêts pourraient être distribués directement via les applications mobile money. Cette solution éliminerait les déplacements coûteux vers les agences bancaires – un obstacle majeur dans les zones rurales – tout en réduisant les frais et améliorant la sécurité.
L’éducation financière en créole
Point crucial : tous les programmes de sensibilisation seraient dispensés en créole haïtien, langue maternelle de 95% de la population. « Il ne sert à rien d’offrir un prêt si la personne ne sait pas comment le gérer », rappelle Duperval avec pragmatisme.
Un modèle de développement équitable
Ce projet dépasse largement le simple accès au crédit. Il vise une transformation sociale profonde en plaçant les femmes agricultrices – qui représentent 60% de la main-d’œuvre agricole mais ne reçoivent que 10% du crédit agricole selon l’ONU – au cœur du développement rural.
« Quand une femme agricultrice accède au crédit, elle ne nourrit pas seulement sa famille. Elle investit dans ses enfants, améliore sa production, et contribue à la stabilité économique de son village », souligne l’économiste.
Cette reconnaissance internationale de Jameson Duperval est bien plus qu’un succès personnel. Elle illustre l’émergence d’une nouvelle génération d’experts haïtiens : formés dans les meilleures universités mondiales, ancrés dans les réalités locales, et porteurs d’une vision pragmatique et ambitieuse. Une leçon d’espoir pour tous ceux qui croient encore au potentiel de transformation d’Haïti par ses propres fils et filles.