Le Secrétaire général de l’ONU António Guterres a désigné mercredi le diplomate mexicain Carlos G. Ruiz Massieu comme nouveau Représentant spécial pour Haïti et Chef du BINUH. Une nomination qui intervient à un moment critique pour le pays, alors que la violence des gangs continue de paralyser la capitale.
Un changement de garde à la tête du BINUH
Carlos Ruiz Massieu remplace officiellement l’Équatorienne María Isabel Salvador, que Guterres a remercié pour « sa dédicace et son service », selon le communiqué officiel des Nations Unies. Salvador avait fait ses adieux à Haïti fin juin 2025, après plus de deux ans passés à la tête du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti.
Cette nomination prendra effet le 1er août, permettant une transition dans la continuité pour une mission cruciale au moment où Haïti traverse l’une des crises les plus graves de son histoire contemporaine.
Un profil d’expert en résolution de conflits
À 55 ans, Carlos Ruiz Massieu arrive en Haïti fort de plus de 30 ans d’expérience dans la diplomatie et la fonction publique. Son parcours le distingue particulièrement dans le domaine de la résolution des conflits : depuis 2019, il dirigeait la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, supervisant la mise en œuvre de l’accord de paix historique entre le gouvernement colombien et la guérilla des FARC-EP.
Cette expérience colombienne pourrait s’avérer précieuse pour Haïti, où les défis sécuritaires rappellent certains aspects des conflits armés qu’a connus l’Amérique latine. Pour les Haïtiens qui ont suivi de près les efforts de paix en Colombie – notamment ceux de la diaspora installée dans cette région –, l’arrivée de Ruiz Massieu représente un signal d’espoir quant à la possibilité de négocier avec les groupes armés.
Une solide formation diplomatique
Diplômé en droit de l’Université ibéro-américaine de Mexico et titulaire d’une maîtrise en sciences politiques de l’Université d’Essex avec une spécialisation en Amérique latine, le nouveau représentant spécial maîtrise l’espagnol, l’anglais et le français – un atout non négligeable pour communiquer directement avec les autorités haïtiennes et la population.
Sa carrière onusienne l’a également mené à présider le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires de l’Assemblée générale de 2013 à 2018, témoignant de sa maîtrise des rouages institutionnels de l’organisation mondiale.
Des défis colossaux à relever
L’arrivée de Ruiz Massieu coïncide avec une période particulièrement sombre pour Haïti. La coalition de gangs Viv Ansanm continue d’étendre son emprise sur la région métropolitaine de Port-au-Prince, paralysant l’économie et terrorisant la population. Les enlèvements se multiplient, touchant aussi bien les familles modestes que les classes moyennes, forçant de nombreux Haïtiens à fuir vers les provinces ou l’étranger.
Pour les familles haïtiennes dispersées entre le pays et la diaspora, cette nomination suscite des attentes mitigées. D’un côté, l’espoir de voir enfin une stratégie cohérente émerger pour combattre l’insécurité. De l’autre, la crainte que cette énième nomination ne soit qu’un nouveau changement cosmétique dans une longue série d’efforts internationaux restés sans effet.
L’expérience latine au service d’Haïti
La nomination d’un diplomate latino-américain n’est pas anodine. Ruiz Massieu connaît les réalités socio-économiques de la région et les défis spécifiques auxquels font face les pays en développement confrontés à la violence organisée. Cette expertise pourrait lui permettre de mieux comprendre les ressorts profonds de la crise haïtienne et d’adapter les stratégies onusiennes aux spécificités locales.
Son expérience en Colombie, où il a contribué à transformer d’anciens combattants en acteurs du processus de paix, pourrait inspirer de nouvelles approches pour désarmer et réintégrer les membres des gangs haïtiens dans la société civile.
Un nouveau chapitre pour le BINUH
Avec cette nomination, l’ONU envoie un signal clair : elle maintient son engagement en Haïti malgré les difficultés croissantes. Le BINUH, créé en 2019 pour accompagner la transition politique du pays, devra sous la direction de Ruiz Massieu adapter sa stratégie aux nouvelles réalités sécuritaires tout en préservant son mandat de renforcement des institutions démocratiques.
Pour la population haïtienne, l’arrivée de ce nouveau représentant spécial représente une nouvelle chance de voir enfin émerger des solutions durables. Reste à savoir si les leçons apprises en Colombie pourront s’appliquer à la réalité complexe d’Haïti, où les défis sécuritaires se mêlent à une crise politique, économique et humanitaire sans précédent.
L’avenir dira si Carlos Ruiz Massieu parviendra à insuffler un nouveau dynamisme à l’action onusienne et à redonner espoir à un peuple qui aspire plus que jamais à la paix et à la stabilité.