Quatre ans après l’assassinat de Jovenel Moïse, une large coalition politique annonce une conférence majeure à Pétion-Ville pour proposer une alternative au Conseil Présidentiel de Transition. Le MORN et ses alliés promettent une « Nouvelle Gouvernance de Transition » et appellent les Haïtiens à « reprendre leur destin en main ».

L’heure est-elle venue pour les forces politiques haïtiennes de tourner définitivement la page de l’instabilité ? C’est en tout cas le pari audacieux que fait le Mouvement pour la Reconstruction et la Réconciliation Nationale (MORN), qui organise les 22 et 23 juillet prochains une conférence politique d’envergure à Pétion-Ville. L’objectif affiché : rassembler une coalition capable de proposer une gouvernance de transition crédible, quatre ans après la tragédie du 7 juillet 2021.

Un front uni face à la crise persistante

Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse, Haïti a connu une valse des gouvernements provisoires, chacun peinant à répondre aux urgences sécuritaires et économiques du pays. Face à cette instabilité chronique, le MORN ne veut plus attendre.

« Il est grand temps que les Haïtiens retrouvent la parole et le pouvoir », martèle le Dr Jean Palème Mathurin, président du mouvement. Une déclaration qui résonne particulièrement auprès des Haïtiens de l’intérieur comme de la diaspora, fatigués de voir leur pays naviguer à vue depuis des années.

La coalition annoncée ne se limite pas aux seuls partis politiques. Elle réunit des organisations sociales, des membres influents de la société civile, et même l’Association des Militaires d’Haïti. Parmi les partenaires déjà engagés figurent le regroupement Anfòs, la plateforme Rézo Pèp, MN500 Jeunes, ainsi que la plateforme Pouvoir.

« Créer le poids du nombre » : une stratégie populaire

La devise du MORN ne laisse aucun doute sur sa stratégie : « Créons le poids du nombre, pour générer la force du nombre et prendre le pouvoir par le nombre, au nom de tous les Haïtiens. » Une approche qui rappelle les grandes mobilisations populaires qui ont marqué l’histoire politique haïtienne.

Cette philosophie du « nombre » trouve un écho particulier dans un pays où la légitimité politique reste un enjeu majeur. Que ce soit dans les quartiers populaires de Port-au-Prince ou dans les communautés haïtiennes de New York, Miami ou Montréal, beaucoup attendent de voir si cette initiative saura mobiliser au-delà des cercles politiques habituels.

Des propositions concrètes pour sortir de l’impasse

Le Dr Mathurin ne s’est pas contenté de promesses vagues. Il a présenté les axes principaux du document qui sera soumis lors de la conférence, avec des propositions précises :

Dissolution du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) au profit d’une « Nouvelle Gouvernance de Transition (NGT) » – une mesure qui constituerait un bouleversement majeur de l’architecture politique actuelle.

Restauration de la grandeur d’Haïti – un objectif qui parle à tous les Haïtiens, qu’ils vivent encore au pays ou qu’ils aient pris le chemin de l’exil.

Lutte contre les gangs armés – une priorité absolue dans un pays où l’insécurité paralyse l’économie et la vie quotidienne.

Lutte contre l’exode massif – un défi crucial quand on sait que des milliers de Haïtiens continuent de quitter le pays chaque mois.

L’épreuve de la crédibilité

Pour beaucoup d’observateurs, cette initiative soulève une question fondamentale : cette énième tentative de refondation politique saura-t-elle éviter les écueils du passé ?

L’histoire politique haïtienne est jalonnée de coalitions prometteuses qui ont fini par s’effriter sur l’autel des intérêts personnels. Cette fois, les organisateurs semblent conscients de l’enjeu. « Cette conférence doit être un levier pour bâtir un leadership renouvelé, capable de redorer le blason du pays sur tous les plans », insiste le Dr Mathurin.

La promesse de mettre en œuvre « sans délai » les décisions issues de la conférence sera mise à l’épreuve dès les premiers jours suivant l’événement. Car au-delà des beaux discours, c’est sur la capacité d’action concrète que cette coalition sera jugée.

Une diaspora attentive

Cette initiative ne concerne pas seulement les Haïtiens vivant au pays. La diaspora haïtienne, forte de plusieurs millions de personnes, observe avec attention ces développements politiques. Beaucoup gardent des liens étroits avec leur terre natale et peuvent jouer un rôle crucial dans le soutien à une transition réussie.

Les réseaux sociaux, particulièrement actifs dans les communautés haïtiennes de l’étranger, bruissent déjà de discussions sur cette nouvelle initiative. Entre espoir et scepticisme, les réactions restent partagées.

Le défi de l’unité nationale

L’un des principaux défis de cette conférence sera de dépasser les clivages traditionnels qui ont longtemps paralysé la classe politique haïtienne. Réussir à rassembler des acteurs aux sensibilités différentes autour d’un projet commun représente déjà un exploit en soi.

L’inclusion annoncée de diverses composantes de la société civile, des jeunes aux militaires, pourrait constituer un atout. Mais c’est sur le terrain de la mise en œuvre que cette unité sera véritablement testée.

Informations pratiques :

Dates : 22 et 23 juillet 2025

  • Lieu : Pétion-Ville
  • Organisateur principal : Mouvement pour la Reconstruction et la Réconciliation Nationale (MORN)
  • Partenaires : Anfòs, Rézo Pèp, Association des Militaires d’Haïti, MN500 Jeunes, plateforme Pouvoir

L’heure de vérité approche

Dans moins de trois semaines, cette conférence pourrait marquer un tournant dans l’histoire politique récente d’Haïti. Entre les promesses de changement et la réalité du terrain, l’écart reste à combler.

Pour les millions d’Haïtiens qui aspirent à la stabilité et au progrès, cette initiative représente peut-être une nouvelle lueur d’espoir. Mais après tant de faux départs, la prudence reste de mise. L’histoire dira si cette fois sera la bonne pour « reprendre le pouvoir par le nombre » et redonner à Haïti la gouvernance qu’elle mérite.

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