L’Assemblée nationale française vient d’adopter une résolution cruciale qui pourrait changer la donne dans les relations franco-haïtiennes. Après près de deux siècles d’injustice, Paris reconnaît officiellement l’aberration de la « double dette » qui a saigné Haïti depuis son indépendance. Une première étape vers une réparation tant attendue ?
Un vote qui fait écho à travers l’Atlantique
Le jeudi 5 juin 2025 restera gravé dans l’histoire des relations entre Haïti et la France. Pour la première fois, l’Assemblée nationale française a adopté une résolution reconnaissant l’injustice de cette fameuse « double dette » qui étouffe Haïti depuis 1825.
Cette reconnaissance officielle fait écho aux revendications portées depuis des décennies par les militants haïtiens, qu’ils soient à Port-au-Prince, Miami, Montréal ou Paris. Car cette dette, tous les Haïtiens la connaissent : c’est elle qui a vidé les caisses de l’État naissant, obligeant nos ancêtres à payer leur propre liberté au prix fort.
Retour sur une escroquerie historique
Rappelons les faits : en 1825, vingt-et-un ans après l’indépendance d’Haïti proclamée par Jean-Jacques Dessalines, la France impose par ordonnance royale une rançon de 150 millions de francs-or à la jeune république. Le prétexte ? Dédommager les anciens colons pour la « perte » de leurs esclaves et de leurs plantations.
Cette somme astronomique – l’équivalent de plusieurs milliards d’euros aujourd’hui – a contraint Haïti à s’endetter massivement auprès des banques françaises. D’où le terme de « double dette » : l’argent emprunté à la France pour payer… la France elle-même. Un cercle vicieux qui a aspiré les ressources du pays pendant plus d’un siècle.
Pour nos compatriotes de la diaspora qui envoient chaque année des milliards de dollars en transferts vers Haïti, cette réalité résonne particulièrement : imaginez si ces sommes avaient pu servir au développement du pays au lieu d’enrichir les créanciers français !
Que prévoit la résolution française ?
Le texte adopté ne se contente pas de reconnaître l’injustice. Il invite le gouvernement français à :
- Étudier concrètement la restitution et le remboursement de cette double dette
- Créer une commission franco-haïtienne indépendante pour instruire le dossier
- Soutenir les initiatives mémorielles et de justice réparatrice entre les deux pays
Cette approche méthodique pourrait déboucher sur des réparations substantielles. Car contrairement aux promesses creuses du passé, cette résolution trace une feuille de route précise avec des mécanismes concrets.
Un précédent qui inspire
Cette victoire diplomatique arrive à point nommé, alors que d’autres pays commencent à assumer leur passé colonial. Les Haïtiens observent avec intérêt les débats sur les réparations aux États-Unis ou les restitutions d’œuvres d’art africaines par les musées européens.
Notre combat pour la justice réparatrice s’inscrit dans ce mouvement mondial. Et cette résolution française pourrait faire jurisprudence pour d’autres nations caribéennes ou africaines qui ont subi des préjudices similaires.
Des mots aux actes : le défi qui attend
Reste maintenant à transformer cette reconnaissance symbolique en actions concrètes. Car les Haïtiens, habitués aux belles paroles non suivies d’effets, attendent des preuves tangibles.
Les organisations de la diaspora haïtienne, particulièrement actives sur ces questions, devront maintenir la pression pour que cette résolution ne reste pas lettre morte. L’enjeu est de taille : ces réparations pourraient contribuer à financer l’éducation, la santé ou les infrastructures dont Haïti a cruellement besoin.
Cette reconnaissance historique marque-t-elle vraiment un tournant dans les relations franco-haïtiennes ? Seuls les prochains mois nous le diront. Mais une chose est sûre : après deux siècles d’attente, la voix d’Haïti commence enfin à être entendue dans les couloirs du pouvoir français. À nous, Haïtiens d’ici et d’ailleurs, de veiller à ce que cette victoire diplomatique se traduise en bénéfices concrets pour notre chère Ayiti.