À la Villa d’accueil, le Conseil présidentiel de transition a rendu hommage au père fondateur Jean-Jacques Dessalines, assassiné il y a 219 ans. Une cérémonie empreinte d’émotion et de parallèles troublants entre les luttes d’hier et les défis sécuritaires d’aujourd’hui.
Ce vendredi 17 octobre 2025, impossible pour les autorités haïtiennes de se rendre au Pont-Rouge ou au Champ de Mars. La situation sécuritaire en a décidé autrement. C’est donc à la Villa d’accueil que le Conseil présidentiel de transition (CPT), accompagné du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé et de hauts responsables de l’État, a commémoré les 219 ans de l’assassinat de Jean-Jacques Dessalines, l’empereur Jacques 1er, tombé le 17 octobre 1806.
Une minute de silence a été observée en mémoire du fondateur de la première République noire indépendante. Mais au-delà du rituel protocolaire, cette cérémonie a résonné comme un appel à l’unité face aux nouvelles menaces qui pèsent sur la nation.
« De nouveaux ennemis menacent l’héritage de nos ancêtres »
Dans son discours, Laurent Saint-Cyr, coordonnateur du CPT, n’a pas mâché ses mots. « Aujourd’hui, de nouveaux ennemis menacent tous les héritages laissés par nos ancêtres », a-t-il déclaré, établissant un parallèle direct entre les combats de Dessalines et la guerre contre les gangs qui ensanglantent Port-au-Prince et d’autres régions du pays.
Pour Saint-Cyr, l’esprit de résistance et de détermination qui animait le général victorieux de Vertières doit inspirer la lutte actuelle contre « les bandits qui sèment la terreur » et leurs connexions avec des réseaux criminels transnationaux. Un message qui résonne autant pour les Haïtiens qui vivent quotidiennement sous la menace des groupes armés que pour ceux de la diaspora, inquiets pour leurs proches restés au pays.
Un hommage aux forces de l’ordre tombées au combat
Le coordonnateur du CPT a également salué le sacrifice des policiers et soldats tombés dans la lutte contre l’insécurité. « Plusieurs dizaines de policiers et de soldats sont tombés en cours de route. Nous saluons leur mémoire avec respect parce qu’ils sont des héros vivants de la nation », a-t-il affirmé.
Des victoires récentes ont été enregistrées, notamment la réinstallation progressive de l’appareil étatique au centre-ville de Port-au-Prince. « Tout comme nos ancêtres, on peut perdre une bataille mais nous ne perdrons pas la guerre », a promis Laurent Saint-Cyr, appelant la population à la confiance.
De la MMAS à la Force de répression des gangs : un nouvel espoir ?
Le CPT mise désormais sur la résolution adoptée en septembre 2025 par le Conseil de sécurité des Nations unies, établissant une Force de répression des gangs. Saint-Cyr a remercié les États-Unis et le Panama pour cette initiative, tout en insistant sur la nécessité de doter cette force de moyens suffisants pour éviter de répéter « les mêmes erreurs de la Mission Multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) ».
Un avertissement qui fait écho aux frustrations accumulées face aux interventions internationales jugées inefficaces par de nombreux Haïtiens, tant sur le territoire national que dans la diaspora new-yorkaise, montréalaise ou parisienne.
Cap sur les élections : un pari audacieux
Mais le rétablissement de la sécurité n’est qu’un préalable. Laurent Saint-Cyr a réaffirmé l’engagement du CPT à organiser des « élections libres, inclusives et crédibles », avec un financement national de 65 millions de dollars déjà prévu. Le budget 2025-2026 prévoit davantage de ressources pour l’institution électorale.
Le coordonnateur a garanti la neutralité du pouvoir exécutif dans le processus électoral, tout en reconnaissant l’évidence : « Sans sécurité, la machine électorale ne pourra pas déraper. »
Avec un mandat qui prendra fin le 7 février 2026, le CPT poursuit ses dialogues avec « toutes les forces vives de la nation » pour éviter un vide institutionnel qui serait, selon Saint-Cyr, « fatal pour la démocratie ».
Une cérémonie culturelle riche en symboles
Au-delà des discours politiques, la cérémonie a été marquée par une dimension culturelle forte. La troupe Herold Josué a présenté « Mon corps se souvient », un spectacle vibrant d’émotions. L’animateur Patrice Salomon a lu un texte en hommage à Dessalines, avant qu’une sonnerie aux morts ne résonne en mémoire de tous ceux tombés pour la liberté. La fanfare du Palais national a conclu la cérémonie avec l’interprétation solennelle de la Dessalinienne.
Deux siècles plus tard, l’ombre de Dessalines plane toujours sur Haïti. Sa détermination face aux ennemis de la liberté reste un modèle, mais aussi un défi : saurons-nous, comme lui, nous unir pour défendre notre pays ? La question reste posée, alors que le compte à rebours vers février 2026 a déjà commencé.