La commune de L’Estère, dans le bas Artibonite, subit de nouvelles attaques meurtrières du gang « Kokorat San Ras ». Entre le 15 et le 16 octobre, deux personnes ont été tuées et des dizaines de champs de riz incendiés, acculant la population à bout de souffle face à l’inaction des autorités.

Un scénario de terreur qui se répète

Mercredi 15 octobre au matin, tout commence par ce qui ressemble à un pillage ordinaire dans cette zone déjà traumatisée : des hommes armés s’emparent de récoltes de riz et saccagent des plantations. Mais très vite, la violence monte d’un cran. Des coups de feu éclatent. Plusieurs civils sont touchés. Deux d’entre eux, originaires de Hatte Chevaux, perdent la vie sous les balles des assaillants.

Le lendemain, jeudi, les bandits reviennent pour parachever leur œuvre de destruction. Armés de machettes et de bidons d’essence, ils incendient méthodiquement d’autres parcelles agricoles, notamment celles appartenant à des membres de groupes d’autodéfense locaux. Un message clair : personne ne doit résister.

Pour les familles de L’Estère, chaque plant de riz calciné représente un repas en moins, une rentrée scolaire compromise, un avenir encore plus incertain. Dans une région où l’agriculture constitue l’unique moyen de subsistance pour la majorité, ces attaques ne sont pas seulement criminelles : elles sont une condamnation à la famine.

La colère explose sur la route nationale

Face à cette violence récurrente et à l’absence criante de réponse de l’État, la population a décidé de hausser le ton. Jeudi matin, des habitants exaspérés ont érigé des barricades sur la route nationale numéro 1, cette artère vitale qui relie Port-au-Prince au nord du pays. Leur objectif : forcer les autorités à réagir enfin.

« Nou pa ka kontinye viv konsa ! » (On ne peut pas continuer à vivre comme ça !), scandaient les manifestants. Après plusieurs heures de blocage et de négociations tendues avec les forces de l’ordre, la circulation a finalement été rétablie. Mais la frustration demeure intacte.

Les habitants accusent ouvertement la police d’inaction. Selon eux, les menaces d’attaques sont souvent annoncées à l’avance, mais aucune mesure préventive n’est prise. Résultat : les gangs opèrent en toute impunité, tandis que seuls les brigades d’autodéfense, sous-équipées et dépassées, tentent tant bien que mal de protéger leurs communautés.

Des revendications précises, un cri de détresse

Dans la foulée de ce mouvement de protestation, des jeunes de diverses organisations locales ont formulé des exigences claires au nouveau directeur départemental de la Police, Jean Alex Pierre-Louis. Au menu de leurs revendications :

  • La suppression immédiate du poste de péage érigé sur la route nationale, perçu comme un obstacle à l’intervention rapide des forces de l’ordre.
  • L’envoi d’au moins deux véhicules blindés pour effectuer des patrouilles régulières et rassurer la population.
  • Le déploiement urgent de l’unité spécialisée anti-gangs récemment créée, afin de démanteler le réseau « Kokorat San Ras » et mettre fin à son règne de terreur.

Ces demandes ne sont pas de simples réclamations : elles traduisent le désespoir d’une communauté abandonnée qui refuse de mourir en silence.

Une région au bord du gouffre

Les violences qui frappent L’Estère s’inscrivent dans une spirale plus large. Depuis plusieurs semaines, le haut et le bas Artibonite connaissent une recrudescence inquiétante d’attaques armées. Cette région, jadis considérée comme le grenier d’Haïti, est aujourd’hui à genoux.

La destruction des plantations de riz, en pleine période de récolte, constitue un coup dur pour une population déjà fragilisée par des années de crise. Selon des observateurs locaux, cette nouvelle vague de violences risque d’aggraver considérablement l’insécurité alimentaire et de précipiter des milliers de familles dans la famine.

Pour beaucoup d’Haïtiens de la diaspora qui envoient régulièrement de l’argent à leurs proches restés au pays, ces nouvelles sont déchirantes. Comment aider quand la nourriture cultivée avec tant de sueur est brûlée par des bandits ? Comment construire un avenir quand la terreur règne en maître ?

L’Estère lance un appel au secours. La question n’est plus de savoir si les autorités vont agir, mais quand. Car chaque jour qui passe, c’est une vie de plus en danger, une récolte de plus en cendres, un espoir de plus qui s’éteint. Jusqu’à quand la population devra-t-elle se défendre seule ?

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