Figure emblématique de l’Église haïtienne et défenseur infatigable des droits humains, Monseigneur Joseph Willy Romélus est décédé ce mardi matin dans sa résidence d’Arniquet. Cet homme d’exception, qui avait marqué son époque par son courage face aux dictatures et son engagement social, laisse derrière lui un héritage spirituel et architectural considérable.

C’est dans la quiétude de sa résidence privée de Château, commune d’Arniquet dans le Sud, que s’est éteint ce matin à 7h30 l’une des figures les plus respectées de l’Église catholique haïtienne. À 94 ans, Monseigneur Joseph Willy Romélus, évêque émérite du diocèse de Jérémie, tire sa révérence après une vie consacrée au service de Dieu et des plus démunis.

Pour des générations d’Haïtiens, tant au pays que dans la diaspora, ce prélat restera à jamais l’homme du courage et de la dignité, celui qui n’hésitait jamais à élever la voix contre l’injustice, quitte à en payer le prix personnel.

L’homme au slogan révolutionnaire « Rache Manyòk »

Les plus anciens se souviennent encore de ce cri de ralliement lancé en 1987 : « Rache Manyòk » ! Derrière cette expression créole se cachait la détermination de Mgr Romélus à obtenir le départ du Conseil National de Gouvernement dirigé par le général Henry Namphy. Si le slogan n’a pas atteint son objectif immédiat, il est entré dans l’histoire comme symbole de la résistance populaire haïtienne.

Déjà, en 1986, l’évêque avait joué un rôle déterminant dans la mobilisation qui conduisit au départ de Jean-Claude Duvalier. Pour lui, l’Église ne pouvait rester silencieuse face à l’oppression. Cette conviction lui vaudra d’être agressé par des manifestants pro-putschistes aux abords de la Cathédrale de Port-au-Prince en 1993, durant les sombres années du coup d’État militaire (1991-1994).

Un bâtisseur visionnaire au service de la foi

Au-delà de son engagement politique, Mgr Romélus était avant tout un pasteur et un bâtisseur. Son œuvre la plus ambitieuse reste sans conteste la nouvelle cathédrale Notre-Dame de la Médaille Miraculeuse de Jérémie. Dès 1996, il mobilise toutes les paroisses de son diocèse autour de ce projet pharaonique, conçu pour devenir un lieu de pèlerinage international.

Posant la première pierre en janvier 1997, malgré d’immenses difficultés financières, l’évêque voyait dans cette cathédrale bien plus qu’un édifice religieux : un symbole d’unité et d’espérance pour tous les chrétiens, haïtiens comme étrangers. Pour les nombreux fidèles de la diaspora qui gardent un lien spirituel fort avec leur terre natale, ce sanctuaire représente un pont entre leurs nouvelles terres d’accueil et leurs racines.

L’évêque des marginalisés

Proche du mouvement Lavalas, Mgr Romélus n’a jamais caché sa préférence pour les pauvres et les exclus. Son engagement lui vaut la reconnaissance internationale avec l’attribution, en novembre 1994 à Strasbourg, du prestigieux Prix européen des Droits de l’Homme.

Cette reconnaissance européenne d’un évêque haïtien avait alors rempli de fierté toute la communauté haïtienne de l’étranger, particulièrement ceux établis en Europe. Elle confirmait que le combat de leur compatriote dépassait les frontières et touchait la conscience universelle.

Son diocèse devient un refuge pour plusieurs congrégations religieuses, notamment les Sœurs missionnaires de Calcutta, les Sœurs Myriam et les Sœurs de la Charité. Mgr Romélus nourrissait aussi le rêve de construire un hôpital spécialement dédié aux personnes les plus marginalisées : malades mentaux, toxicomanes et malades du sida – des populations souvent oubliées par la société.

Un homme de Dieu façonné par son époque

Ordonné prêtre le 13 juillet 1958, Willy Romélus appartient à cette génération de religieux haïtiens formés dans l’esprit du Concile Vatican II, qui prônait une Église proche des préoccupations sociales. Nommé évêque résidentiel de Jérémie le 26 avril 1977, il exercera son épiscopat pendant plus de trente ans, traversant les périodes les plus tumultueuses de l’histoire haïtienne contemporaine.

Un héritage qui traverse les océans

Pour les Haïtiens de la diaspora, Mgr Romélus incarnait cette Église haïtienne courageuse et solidaire qu’ils portent dans leur cœur. Ses prises de position résonnent encore aujourd’hui dans les communautés haïtiennes de Miami, New York, Montréal ou Paris, où beaucoup gardent le souvenir de cet évêque qui n’avait pas peur de dire la vérité au pouvoir.

Les funérailles auront lieu le jeudi 21 août 2025 à 9h00 au Sanctuaire Notre-Dame de la Médaille Miraculeuse, cette cathédrale qu’il avait rêvée et commencée. Une veillée funèbre se tiendra la veille, mercredi 20 août à 18h00, à la cathédrale Saint-Louis de Jérémie.

Avec la disparition de Mgr Romélus, c’est toute une page de l’histoire religieuse et sociale d’Haïti qui se tourne. Mais son message d’espoir et de justice continue de résonner, bien au-delà des frontières de son cher diocèse de Jérémie.

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