Créée le 17 août 1979, la Banque de la République d’Haïti célèbre ses 46 ans d’existence. De pilier de stabilité monétaire à acteur de l’inclusion financière, retour sur le parcours d’une institution qui a su traverser les crises tout en se réinventant pour répondre aux défis d’un pays en mutation.

Dans un pays habitué aux turbulences politiques et économiques, la Banque de la République d’Haïti (BRH) fait figure d’exception. Depuis 46 ans, cette institution née de la scission de l’ancienne Banque Nationale de la République d’Haïti a su maintenir le cap, jouant son rôle de gardienne de la stabilité monétaire malgré les tempêtes.

1979 : Une réforme visionnaire

Le 17 août 1979 marque un tournant dans l’histoire financière haïtienne. La décision de séparer les fonctions commerciales et de régulation en créant d’un côté la Banque Nationale de Crédit (BNC) et de l’autre la BRH répond à une logique simple mais efficace : éviter les conflits d’intérêts et professionnaliser le secteur bancaire.

Cette réforme, qui peut paraître technique, a des répercussions concrètes dans la vie des Haïtiens. Elle permet à la BRH de se concentrer sur ses missions essentielles : contrôler l’inflation, réguler les banques et veiller à la stabilité de la gourde. Des enjeux cruciaux dans un pays où la dévaluation monétaire peut anéantir les économies des familles du jour au lendemain.

Un pilier dans la tempête

Quarante-six ans plus tard, la BRH peut s’enorgueillir d’avoir traversé les crises sans faillir. De l’instabilité des années 1980 aux récents bouleversements politiques, en passant par le séisme de 2010 et la pandémie de COVID-19, l’institution a maintenu sa crédibilité.

Pour les Haïtiens de la diaspora qui envoient plus de 3 milliards de dollars par an au pays, cette stabilité n’est pas anodine. Elle garantit que leurs transferts gardent leur valeur et que leurs familles peuvent compter sur un système bancaire fonctionnel.

Le défi de l’inclusion financière

Mais la BRH ne se contente pas de gérer l’existant. Elle affronte un défi majeur : l’exclusion bancaire. Une grande partie de la population haïtienne reste en marge du système financier formel, limitant les possibilités de développement économique.

Face à ce constat, la banque centrale mise sur l’innovation technologique. Elle encourage le développement des services financiers numériques, des portefeuilles mobiles aux plateformes de paiement digitales. Une stratégie qui s’inspire des succès observés dans d’autres pays en développement, comme le M-Pesa au Kenya.

Former pour transformer

L’une des initiatives les plus remarquables de la BRH concerne l’éducation financière. L’Institution de Formation de la Banque Centrale (IFBC), créée en interne, ne se contente pas de former les cadres de l’institution. Elle rayonne vers l’ensemble de la société.

L’exemple le plus parlant ? La formation de 41 journalistes aux enjeux économiques depuis 2017. Cette démarche, unique dans la région, vise à améliorer la qualité de l’information économique dans les médias haïtiens. Un investissement sur le long terme qui devrait permettre au public de mieux comprendre les enjeux financiers complexes.

Innovation et tradition

La BRH d’aujourd’hui navigue entre modernisation et respect des fondamentaux. D’un côté, elle encourage la digitalisation du secteur bancaire et développe de nouveaux outils de régulation. De l’autre, elle maintient sa mission première : garantir la confiance dans la monnaie nationale.

Cette approche équilibrée se reflète dans ses relations avec les banques commerciales. L’institution supervise sans étouffer, régule sans décourager l’innovation. Une posture délicate dans un contexte où le secteur privé haïtien a besoin d’encouragements pour investir et créer des emplois.

Les défis de demain

À 46 ans, la BRH fait face à de nouveaux défis. L’économie numérique, les cryptomonnaies, les transferts d’argent instantanés : autant d’innovations qui bousculent les codes traditionnels de la finance.

L’institution doit aussi composer avec les réalités du terrain : insécurité grandissante, infrastructures défaillantes, méfiance du public envers les institutions. Des obstacles qui compliquent sa mission mais ne l’empêchent pas d’avancer.

Un capital confiance préservé

Dans un pays où la confiance envers les institutions publiques s’est érodée, la BRH tire son épingle du jeu. Sa réputation de sérieux et de compétence, construite au fil des décennies, constitue un atout précieux pour l’économie haïtienne.

Cette crédibilité se mesure dans la stabilité relative du système bancaire, malgré les crises, et dans la reconnaissance internationale dont jouit l’institution auprès de ses pairs régionaux et des organisations financières mondiales.

À 46 ans, la BRH a su prouver qu’une institution haïtienne peut être à la fois stable et innovante, traditionnelle et moderne. Mais ses plus grands défis l’attendent peut-être : réconcilier tous les Haïtiens avec leur système financier et accompagner le pays vers une prospérité partagée. Un pari ambitieux, mais à la mesure des enjeux.

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