Face à la mobilisation des travailleurs de la zone franche, Port-au-Prince a décidé de mettre un frein à la nouvelle taxe sur les salaires qui avait déclenché un mouvement de protestation sans précédent. Un geste que beaucoup attendaient après les tensions du début octobre.

Une grève qui a parlé plus fort que les décisions gouvernementales

Tout a commencé le 6 octobre dernier. Des centaines d’ouvriers de la CODEVI, cette importante zone franche située dans le Nord-Est haïtien, ont déposé les outils et quitté leurs postes de travail. Leur revendication était claire : s’opposer à une nouvelle taxe sur les salaires que le gouvernement venait tout juste d’instaurer. Pour les travailleurs, cette mesure de régularisation fiscale représentait une ponction supplémentaire sur des salaires déjà serés — une goutte de trop dans un verre déjà plein pour beaucoup de familles haïtiennes qui comptent sur ces revenus pour survivre.

La grève a paralysé la CODEVI, propriété du Grupo M, l’une des plus importantes entreprises du secteur manufacturier haïtien. Les syndicats se sont mobilisés. Les ouvriers, eux, n’ont pas plié. Ce mouvement de protestation résonne particulièrement fort pour les Haïtiens de la diaspora qui, tout en vivant à l’étranger, suivent de près les conditions de travail et les droits des ouvriers restés au pays.

Le gouvernement fait demi-tour

Devant cette mobilisation, le gouvernement haïtien a finalement compris le message. Le mardi 7 octobre, le ministère de l’Économie et des Finances (MEF) et le ministère des Affaires sociales et du Travail (MAST) ont publié une note de presse conjointe annonçant le gel temporaire de la taxe.

« Aucun prélèvement par la Direction Générale des Impôts (DGI) ne sera effectué à titre temporaire sur les salaires des travailleurs concernés », indique le communiqué gouvernemental. Cette suspension intervient pendant que les autorités finalisent les négociations sur plusieurs enjeux cruciaux, notamment la question du salaire minimum — un sujet qui traverse régulièrement les débats sur les conditions de travail en Haïti.

Une table ronde pour dégeler la crise

Conscient que le problème ne disparaîtra pas d’un simple trait de plume, le gouvernement a également annoncé l’organisation d’une rencontre tripartite réunissant l’exécutif, les syndicats et le patronat. Cette table ronde devra permettre de discuter de questions fondamentales touchant à la rémunération et aux droits des ouvriers.

De leur côté, les syndicats se sont engagés à convaincre les travailleurs de reprendre leurs activités le mercredi 8 octobre. Un accord de principe qui a permis de débloquer une situation qui menaçait de paralyser complètement ce secteur crucial de l’économie haïtienne.

Prudence à la CODEVI

La direction de la CODEVI, préoccupée par la sécurité et le bien-être de ses employés, avait elle-même décidé de suspendre les activités le 6 octobre et de renvoyer tous les salariés chez eux. Dans un communiqué, l’entreprise a souligné qu’elle n’appliquait que la loi, sans intervenir dans les décisions gouvernementales, mais elle a aussi appelé à un dialogue transparent avec les autorités pour éviter toute confusion préjudiciable aux travailleurs.

Et maintenant ?

Cette victoire partielle pour les ouvriers de la CODEVI ouvre des perspectives, mais soulève aussi des questions. La suspension temporaire de la taxe n’est que cela : temporaire. Les négociations qui s’annoncent seront décisives pour déterminer si cette mesure sera définitivement abandonnée ou réajustée. Le sort des ouvriers haïtiens — qu’ils travaillent dans les zones franches du Nord-Est ou dans d’autres secteurs du pays — dépendra de ces discussions.

Pour les Haïtiens de la diaspora qui envoient régulièrement de l’argent à leurs proches restés au pays, ce dénouement rappelle une vérité essentielle : c’est quand les travailleurs se mobilisent ensemble qu’ils peuvent vraiment peser sur les décisions qui affectent leur quotidien. La question qui reste en suspens : le gouvernement entendra-t-il pleinement cette voix lors des négociations à venir ?

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