L’ex-présidente argentine Cristina Kirchner purgera sa peine de six ans de prison pour corruption depuis son domicile de Buenos Aires, sous surveillance électronique. Une décision qui enflamme les rues de la capitale et relance le débat sur l’instrumentalisation de la justice en Argentine.
À 72 ans, Cristina Kirchner échappe à la prison ferme mais pas à l’humiliation. Condamnée le 10 juin dernier par la Cour suprême pour corruption, la figure emblématique du péronisme argentin a obtenu mardi l’autorisation de purger sa peine à domicile. Une décision qui divise profondément un pays déjà fracturé par les politiques ultra-libérales du président Javier Milei.
Un bracelet électronique pour une ex-présidente
La chambre criminelle fédérale a tranché : Cristina Kirchner sera assignée à résidence dans son appartement du quartier de Constitución, à Buenos Aires, équipée d’un « dispositif de surveillance électronique ». L’image est saisissante : une femme qui a dirigé deux fois l’Argentine (2007-2015) et occupé la vice-présidence jusqu’en 2023, désormais contrainte de porter un bracelet électronique.
Ses avocats avaient plaidé des « raisons institutionnelles et de sécurité », rappelant qu’en tant qu’ex-présidente, elle bénéficie d’une protection policière à vie. Un argument qui a porté, d’autant plus que Kirchner avait été victime d’une tentative d’assassinat en septembre 2022, alors qu’elle était encore vice-présidente.
Buenos Aires en ébullition
Depuis l’annonce de la condamnation, les rues autour du domicile de Kirchner bouillonnent. Des centaines de militants péronistes se sont installés devant son immeuble, défiant les tentatives de la police pour les déloger. L’ambiance oscille entre fête populaire et rassemblement de résistance.
« C’est la gratitude et l’amour que nous éprouvons pour une dirigeante qui a été responsable des meilleures années de notre vie », témoigne Lucho, étudiant présent dans la foule. Pour ces fidèles, Kirchner incarne une époque dorée où l’université publique était accessible, la santé gratuite et l’ascension sociale possible.
Milei dans le viseur des manifestants
Le contraste est saisissant avec la politique actuelle de Javier Milei, surnommé « el Loco » (le fou) pour ses réformes drastiques. « L’éducation publique est en train d’être privée de financements, tout comme les universités et la santé publique », dénonce Lucho, illustrant la polarisation qui traverse l’Argentine.
Pour Pablo Ayala, militant péroniste chevronné, cette condamnation relève de la « persécution politique ». « Hier, c’étaient les dictatures militaires ; aujourd’hui, ce sont les corporations judiciaires et les médias hégémoniques qui montent des affaires afin de diaboliser les leaders populaires », martèle-t-il, reprenant les arguments classiques du kirchnérisme.
Une justice sous surveillance
Le timing de cette condamnation interroge. Confirmée quelques jours seulement après l’annonce de la candidature de Kirchner aux élections législatives d’octobre, elle alimente les soupçons sur la partialité de la justice argentine. Une première dans l’histoire du pays qui ne manque pas de faire débat.
Cette affaire révèle les fractures profondes d’une Argentine tiraillée entre nostalgie péroniste et révolution libérale. D’un côté, les partisans de Kirchner y voient un complot des élites pour écarter leur championne. De l’autre, ses détracteurs saluent enfin la fin de l’impunité pour une classe politique accusée de tous les maux.
Assignée à résidence mais loin d’être résignée, Cristina Kirchner reste au cœur du jeu politique argentin. Sa condamnation, loin de l’affaiblir, pourrait bien renforcer sa stature de martyre aux yeux de ses supporters. Dans une Argentine en crise, son combat judiciaire risque de devenir le symbole d’une bataille plus large entre deux visions irréconciliables du pays.