Dans un aveu sans précédent, le ministre de l’Éducation nationale Augustin Antoine a déclaré que le système éducatif haïtien s’est effondré. Avec seulement 188 000 élèves sur plus d’un million qui atteignent la 9e année fondamentale, Haïti fait face à une crise éducative majeure qui compromet l’avenir de toute une génération.
Les mots sont durs, mais ils reflètent une réalité que beaucoup d’Haïtiens vivent au quotidien. Augustin Antoine, ministre de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle, n’a pas mâché ses mots lors des Mardis de la Nation le 15 juillet : « Les journalistes, les parents, les enseignants, je vous annonce que l’école haïtienne est détruite. Cette école telle que nous la connaissons avec tous ses problèmes structurels est détruite. »
Un constat brutal qui résonne particulièrement chez les familles haïtiennes, qu’elles vivent à Port-au-Prince, aux Gonaïves ou dans la diaspora, où l’éducation des enfants reste une priorité absolue malgré tous les obstacles.
Des chiffres qui font froid dans le dos
Les statistiques présentées par le ministre dressent un tableau accablant. Sur plus d’un million d’enfants inscrits à l’école, seuls 188 000 atteignent la 9e année fondamentale. Ce décrochage massif de plus de 80% illustre l’ampleur du naufrage éducatif haïtien.
Quant aux examens du baccalauréat, le ministre a révélé qu’atteindre 50% de réussite serait considéré comme un exploit. « Quand vous avez 120 mille candidats au baccalauréat, si vous avez 50 mille réussi, c’est un motif suffisant pour faire la fête », a-t-il souligné avec amertume. Une déclaration qui fait écho aux préoccupations de nombreux parents qui investissent leurs maigres ressources dans l’éducation de leurs enfants sans garantie de résultat.
Un système rongé par les grèves et la pauvreté
Parmi les facteurs explicatifs de cette débâcle, le ministre pointe du doigt les grèves à répétition qui paralysent le système. « Rien que cette année, on a connu plus de six mois de grève », a-t-il déploré. Une situation que connaissent bien les familles haïtiennes, contraintes de jongler entre les fermetures d’écoles et leurs obligations professionnelles.
À ces grèves s’ajoutent la pauvreté, l’instabilité familiale et le manque de suivi pédagogique. Le ministre a également pointé la question de la qualification des enseignants, un problème récurrent dans un pays où la formation des maîtres n’a jamais été une priorité budgétaire.
Une école déconnectée de la réalité
L’analyse du ministre va au-delà des chiffres. Selon lui, l’école haïtienne souffre d’un mal plus profond : sa déconnexion avec les réalités du pays. « Notre école n’adresse pas nos problématiques de société, comme par exemple la question de l’identité nationale, la réorganisation de l’État ou l’insertion socioprofessionnelle », a-t-il expliqué.
Cette critique rappelle les débats récurrents sur l’inadéquation entre la formation dispensée et les besoins du marché du travail haïtien. Combien de diplômés haïtiens se retrouvent contraints à l’émigration, faute de perspectives dans leur pays ?
Une privatisation qui coûte cher
Le ministre n’a pas épargné le secteur privé dans sa critique. « En Haïti, l’éducation est presque privée. Or, après une analyse du coût, de la qualité et de l’efficacité, c’est de l’argent gaspillé », a-t-il déclaré. Une réalité que vivent quotidiennement les familles haïtiennes, contraintes de payer des frais de scolarité élevés pour une éducation dont la qualité reste questionnable.
Cette situation contraste avec celle de la République dominicaine, où selon le ministre, « l’école est un moteur du développement », tandis que « le système éducatif haïtien est dépassé et abstrait ».
Des réformes promises
Face à ce tableau sombre, le ministère promet une réforme en profondeur articulée autour de plusieurs axes : renforcement de la cantine scolaire, passage automatique accompagné, encadrement pédagogique, réforme du préscolaire, redynamisation de la formation des maîtres et moralisation de la gestion financière des lycées publics.
Le MENFP annonce également qu’il assurera désormais lui-même le contrôle budgétaire à travers des comptables délégués, une mesure qui vise à lutter contre la corruption dans la gestion des établissements publics.
Des questions qui dérangent
Cet aveu d’échec du ministre soulève des questions légitimes dans la communauté éducative. Pourquoi ce constat brutal maintenant ? Pourquoi le ministre reste-t-il en poste après cet aveu d’un échec collectif ? Des interrogations que se posent également les syndicalistes du secteur.
L’école haïtienne traverse sa pire crise depuis des décennies. Mais au-delà du diagnostic, c’est l’action qui compte. Les réformes annoncées suffiront-elles à redresser un système à genoux ? Pour les millions d’enfants haïtiens qui méritent un avenir meilleur, l’heure n’est plus aux discours, mais aux actes concrets. L’éducation de nos enfants peut-elle encore attendre ?