Face à l’échéance cruciale de février 2026 et la fin du mandat du Conseil Présidentiel de Transition, les forces vives d’Haïti ont signé jeudi un accord historique. Cette feuille de route inédite propose une transition démocratique pilotée par une Assemblée Citoyenne, loin des négociations de couloirs habituelles.

Alors que le spectre d’un nouveau vide institutionnel plane sur Haïti, l’« Accord du 14 août » signé jeudi dernier pourrait bien changer la donne. Pour la première fois depuis longtemps, représentants politiques, leaders religieux, organisations paysannes, jeunes, diaspora et secteur privé ont convergé vers une vision commune : préparer l’après-CPT sans plonger le pays dans l’incertitude.

Un dialogue qui dépasse les clivages traditionnels

L’initiative tranche avec les habituelles tractations entre partis politiques qui ont souvent laissé le peuple haïtien spectateur de son propre destin. « Ce n’est pas un simple compromis de circonstance », insiste l’Apôtre Pierre Esther, l’un des architectes de ce processus. Des paysans de la Grand’Anse aux professionnels de Miami, en passant par les leaders communautaires de Cité Soleil, tous ont participé à ces mois de concertation.

Cette approche inclusive rappelle les grands moments de mobilisation citoyenne qu’a connus Haïti, comme lors des mouvements de 1986 ou plus récemment avec le mouvement Petrochallengers. Mais cette fois, l’objectif n’est pas de renverser un pouvoir, mais de construire ensemble une alternative crédible.

Une architecture de transition repensée

L’accord propose un modèle de gouvernance bicéphale inédit : un Président et un Premier ministre se partageront l’exécutif. Cette répartition des pouvoirs vise à éviter la concentration autoritaire qui a souvent caractérisé les transitions haïtiennes.

Le processus de désignation rompt également avec les traditions : 11 congrès départementaux (incluant la diaspora) éliront 33 délégués qui formeront l’Assemblée Citoyenne de Transition (ACT). Cette assemblée aura le pouvoir de choisir le Président de transition parmi des candidats issus de sept secteurs : société civile, universités, religions, diaspora, secteur privé, jeunesse et femmes leaders.

Une fois élu, ce président proposera cinq noms pour le poste de Premier ministre, que l’ACT départagera en toute indépendance. Une procédure qui tranche avec les nominations imposées d’en haut.

Des défis colossaux en perspective

Le futur gouvernement de transition hérite d’un agenda chargé : restaurer la sécurité dans un pays où les gangs contrôlent 60% de Port-au-Prince, relancer une économie exsangue en soutenant les PME, et organiser des élections crédibles après des années d’instabilité.

Pour les Haïtiens de la diaspora qui envoient plus de 3 milliards de dollars par an au pays, cette transition représente un espoir de voir enfin leurs investissements sécurisés. Pour ceux restés au pays, c’est la promesse d’une gouvernance qui les associe vraiment aux décisions.

Une vision à long terme

Au-delà de la gestion de l’urgence, les signataires affichent une ambition plus large : bâtir un projet de société sur 25 ans. « Ce processus vise à garantir une représentativité équitable des différentes forces vives de la nation », explique Dr Pèkito Guillaume, coordinateur pour l’Ouest.

Cette approche rappelle les grands chantiers de reconstruction nationale menés par d’autres pays sortis de crises profondes, du Rwanda post-génocide au Costa Rica qui a aboli son armée pour investir dans l’éducation.

L’épreuve de vérité

Reste maintenant à transformer cette belle théorie en réalité concrète. Les obstacles sont nombreux : résistances politiques, défis sécuritaires, urgences économiques. Certains acteurs influents n’ont pas encore donné leur adhésion, et la communauté internationale observe avec attention.

Mais pour ses promoteurs, l’Accord du 14 août marque déjà une victoire : celle d’avoir réuni autour d’une table des forces qui se regardaient en chiens de faïence. « Offrir à la nation une transition d’équité, c’est lui éviter le chaos et lui donner une chance de se reconstruire sur des bases saines », résume l’un des signataires.

L’Haïti de demain se dessine peut-être dans cet accord. Mais sa réussite dépendra de la capacité de tous les Haïtiens, d’ici et d’ailleurs, à s’approprier cette démarche. Car au final, c’est bien le peuple haïtien qui reste le juge suprême de son destin. Qu’en pensez-vous ?

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