Bridgetown, Barbade – 21 février 2025 – Alors que la crise en Haïti atteint un niveau alarmant, les dirigeants de la CARICOM se sont réunis pour discuter de l’avenir politique du pays, notamment de la tenue des élections promises pour le 15 novembre 2025. Toutefois, si l’idée d’un scrutin est globalement soutenue, le débat reste vif quant à sa faisabilité dans un contexte marqué par la montée en puissance des gangs et une crise humanitaire sans précédent.

Des élections nécessaires, mais à quel prix ?

Lors de cette réunion, les dirigeants caribéens ont souligné l’importance de doter Haïti d’un gouvernement légitime. “Je crois qu’il y a un soutien total pour les élections”, a déclaré Roosevelt Skerrit, Premier ministre de la Dominique. Toutefois, il a averti que ces dernières ne mettront pas fin aux violences, et pourraient même les renforcer étant donné l’influence croissante des gangs sur le paysage politique.

Son homologue guyanien, Mohamed Irfaan Ali, a insisté sur l’urgence d’une stabilisation sécuritaire avant d’organiser un scrutin crédible. “Les principaux enjeux restent ceux de la sécurité et de la mobilisation du soutien international pour maîtriser la situation”, a-t-il affirmé.

Le ministre des Affaires étrangères de Saint-Kitts-et-Nevis, Denzil Douglas, a quant à lui rappelé que “Haïti mérite une véritable représentation démocratique”, soulignant que la crise actuelle freine le développement de toute la région caribéenne.

Une situation sécuritaire hors de contrôle

Pendant que ces discussions avaient lieu, les gangs poursuivaient leurs assauts à Carrefour-Feuilles, semant la terreur parmi les habitants contraints de fuir. Aujourd’hui, jusqu’à 90 % de Port-au-Prince et de vastes zones de l’Artibonite sont sous le contrôle des groupes criminels, selon les estimations.

Malgré la présence d’une mission de sécurité internationale dirigée par le Kenya, les gangs ont intensifié leurs attaques, forçant plus d’un million de personnes à l’exode. En 2024, les violences ont causé plus de 5 600 morts, et des milliers de femmes ont été victimes de viols, tandis que des enfants dès huit ans ont été enrôlés dans ces milices armées.

Face à cette situation, le Premier ministre d’Antigua-et-Barbuda, Gaston Browne, a soutenu l’idée d’organiser les élections en novembre, tout en reconnaissant les défis à relever. Il a suggéré que les États-Unis, la France et d’autres grandes puissances apportent un soutien accru, y compris militaire, une option que l’ONU peine à concrétiser en raison des oppositions de la Chine et de la Russie.

Une transition sous tension

Le gouvernement haïtien, actuellement dirigé par un Conseil présidentiel intérimaire de neuf membres, peine à faire avancer les réformes nécessaires. Si le président du Conseil, Leslie Voltaire, a fixé la date du 15 novembre pour les élections, celle-ci n’a toujours pas été validée par le Conseil électoral provisoire.

Par ailleurs, les tensions internes persistent au sein des autorités de transition, notamment sur la gestion de la sécurité et la politique étrangère. Ces divisions alimentent les doutes quant à la capacité du pays à organiser des élections crédibles dans un délai aussi court.

Élections ou impasse ?

Alors que certains leaders, comme Ralph Gonsalves, Premier ministre de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, plaident pour une date butoir afin de maintenir une dynamique, d’autres s’inquiètent des conséquences d’élections bâclées.

Un rapport du Groupe de crise international, présenté lors du sommet, recommande d’éviter toute précipitation. Il met en garde contre l’organisation d’un scrutin sous la menace des gangs et dans un climat de défiance généralisée envers les institutions.

Pourtant, certains dirigeants caribéens restent persuadés qu’il vaut mieux des élections imparfaites que pas d’élections du tout, reprenant les propos de l’ancienne Première ministre de la Dominique, Eugenia Charles, après la chute de Jean-Claude Duvalier en 1986.

Un avenir incertain

Alors que les discussions se poursuivent, l’avenir politique d’Haïti demeure incertain. Sans amélioration rapide de la sécurité et sans un consensus clair sur la transition, la tenue des élections en novembre pourrait bien relever de l’utopie.

Cet article s’inspire de la publication originale de Jacqueline Charles, parue en anglais sur Miami Herald.

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