Face à la fuite des cerveaux et au manque criant de spécialistes, l’État haïtien mise sur un programme ambitieux de formation à l’étranger. Les bénéficiaires s’engagent à revenir au pays pour contribuer au développement national.

Le Fonds National de l’Éducation (FNE) a officiellement lancé ce lundi 14 juillet le programme STIMM (Sciences, Technologies, Ingénierie, Mathématiques et Médecine), une initiative qui pourrait changer la donne dans la formation des cadres haïtiens. Cette stratégie audacieuse vise à envoyer une nouvelle génération de jeunes talents étudier à l’étranger, avec une obligation de retour pour servir le pays.

Une réponse à l’hémorragie des compétences

Depuis des décennies, Haïti assiste impuissante au départ massif de ses diplômés vers les États-Unis, le Canada ou la France. Des médecins formés à l’État de l’Université d’État d’Haïti (UEH) qui s’installent à Miami, des ingénieurs qui rejoignent les entreprises technologiques de Montréal, des informaticiens qui trouvent refuge dans les startups parisiennes… Cette saignée prive le pays de compétences essentielles à son développement.

Le programme STIMM entend inverser cette tendance en créant un cercle vertueux : former à l’étranger dans les meilleures conditions, puis rapatrier ces compétences pour construire l’Haïti de demain. Une approche qui rappelle les stratégies adoptées par des pays comme la Corée du Sud ou Singapour dans leur phase de développement.

Excellence et engagement : les maîtres-mots du programme

Les critères de sélection sont exigeants. Les candidats doivent afficher une moyenne académique minimale de 8/10 et démontrer un engagement réel envers le développement national. Mais surtout, ils devront signer un contrat de retour en Haïti à l’issue de leurs études.

« Il est temps pour l’État haïtien d’investir massivement dans l’intelligence et les compétences scientifiques qui construiront l’Haïti de demain », affirme la Direction générale du FNE. Cette déclaration résonne particulièrement dans un contexte où le pays cherche à diversifier son économie au-delà de l’agriculture traditionnelle et du secteur informel.

Réorienter la formation vers les besoins réels

Traditionnellement, l’enseignement supérieur haïtien privilégie les filières de lettres et sciences sociales. Résultat : un marché du travail saturé d’avocats et de sociologues, mais cruellement dépourvu d’ingénieurs en génie civil pour reconstruire les infrastructures, de spécialistes en cybersécurité pour protéger les institutions, ou encore de médecins spécialisés pour renforcer le système de santé.

Le programme STIMM veut corriger ce déséquilibre en ciblant les secteurs stratégiques : santé, technologies, ingénierie, mathématiques et médecine. Des domaines où Haïti pourrait devenir compétitive régionalement, à l’image de la Barbade dans les services financiers ou de la Jamaïque dans les technologies de l’information.

Un pari sur l’avenir

Le FNE ne travaille pas en vase clos. Des partenariats sont prévus avec plusieurs ministères, des universités étrangères et le secteur privé, notamment dans le numérique et l’ingénierie logicielle. Cette approche collaborative pourrait créer un écosystème favorable au retour et à l’épanouissement des diplômés.

Le programme repose sur quatre piliers fondamentaux : l’excellence académique, l’engagement contractuel de retour, la valorisation rapide des compétences et le devoir de transmission des savoirs aux générations futures. Une vision qui dépasse la simple formation pour embrasser une logique de développement durable.

Et la diaspora dans tout ça ?

Cette initiative interroge aussi le rôle de la diaspora haïtienne, forte de plusieurs millions de personnes. Beaucoup de nos compatriotes établis à l’étranger possèdent déjà ces compétences techniques tant recherchées. Le programme STIMM pourrait-il inspirer des mécanismes similaires pour encourager le retour temporaire ou permanent de ces talents expatriés ?

La réussite du programme STIMM dépendra largement de la capacité du pays à offrir des conditions d’épanouissement professionnel à ses diplômés. Car au-delà des obligations contractuelles, c’est bien la promesse d’un avenir meilleur en Haïti qui retiendra définitivement ces cerveaux formés à l’étranger.

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