Les demandeurs d’asile haïtiens suscitent des discussions animées à l’approche du scrutin du 28 avril
Ottawa – À l’approche de l’élection fédérale canadienne du 28 avril 2025, l’immigration, et en particulier l’arrivée de demandeurs d’asile haïtiens, est devenue un sujet brûlant dans les campagnes électorales. Alors que le Canada fait face à des pressions économiques, des tensions liées au logement et des préoccupations sécuritaires amplifiées par le retour de Donald Trump à la présidence américaine, les partis politiques se positionnent sur la gestion des flux migratoires, y compris ceux en provenance d’Haïti, un pays en proie à une crise humanitaire sans précédent. Voici un état des lieux des discussions et des propositions des principaux partis, basé sur les informations récentes.
Une attention croissante sur les demandeurs d’asile haïtiens
L’immigration haïtienne a pris une place notable dans les débats électoraux, notamment en raison de l’augmentation des demandeurs d’asile à la frontière canado-américaine. Des posts sur X, relayés par des médias comme Le Nouvelliste, indiquent que les candidats sont de plus en plus questionnés sur leur approche face à l’afflux de Haïtiens fuyant la violence des gangs et l’instabilité politique. Cette préoccupation a été exacerbée par les politiques migratoires restrictives de Donald Trump, qui a promis des déportations massives aux États-Unis, suscitant des craintes d’un exode vers le Canada. Un article de CTV News, publié le 15 avril 2025, souligne que la politique des réfugiés, bien que moins centrale que l’économie ou le logement, regagne du terrain, notamment à cause de l’augmentation des demandeurs d’asile au Québec.
Depuis 2024, le Canada a mis en place des mesures temporaires pour soutenir les Haïtiens déjà sur son sol. Annoncées par le ministre de l’Immigration Marc Miller, ces mesures permettent à environ 44 000 Haïtiens détenteurs d’un statut de résident temporaire de demander des permis d’études, de travail ouverts ou des prolongations de statut sans frais, jusqu’au 19 novembre 2025. Ces dispositions incluent également les membres de la famille de citoyens ou résidents permanents canadiens ayant fui Haïti après le 1er mars 2024. Cependant, ces mesures, bien qu’humanitaires, sont jugées insuffisantes par certains observateurs face à l’ampleur de la crise haïtienne.
Les positions des partis politiques
Chaque parti politique aborde la question de l’immigration, y compris celle des Haïtiens, à travers le prisme de ses priorités idéologiques, dans un contexte où l’opinion publique s’inquiète des pressions sur le logement et les services publics. Voici un aperçu des positions des principaux partis, basé sur des analyses récentes :
- Parti libéral (Mark Carney) : Les libéraux, dirigés par le premier ministre Mark Carney depuis mars 2025, adoptent une approche prudente mais favorable à l’immigration. Après les hausses significatives sous Justin Trudeau, Carney a maintenu le plan de 395 000 résidents permanents pour 2025, une réduction de 21 % par rapport aux 500 000 de 2024, pour répondre aux préoccupations liées au logement. Concernant les Haïtiens, les libéraux mettent en avant leurs mesures temporaires et leur engagement envers les réunifications familiales et les réfugiés. Carney insiste sur une immigration « essentielle à la prospérité économique », tout en promettant des ajustements basés sur la capacité d’accueil. Cependant, l’immigration n’est pas au cœur de sa campagne, éclipsée par les tensions commerciales avec les États-Unis.
- Parti conservateur (Pierre Poilievre) : Les conservateurs, favoris dans les sondages pour former un gouvernement minoritaire, proposent une réduction significative des niveaux d’immigration, y compris pour les demandeurs d’asile. Pierre Poilievre critique les politiques libérales, qu’il juge irresponsables, et promet de lier l’immigration à la construction de logements et à la capacité des services publics. Il a également appelé à un renforcement des contrôles aux frontières pour limiter les demandes d’asile, y compris celles des Haïtiens, et à une lutte contre les « fausses demandes » dans les programmes d’étudiants internationaux et de travailleurs temporaires. Cette rhétorique, amplifiée depuis l’élection de Trump, suscite des inquiétudes parmi les communautés haïtiennes, qui craignent une approche plus restrictive.
- Nouveau Parti démocratique (Jagmeet Singh) : Le NPD prône une immigration « équitable et compassionnelle », avec un accent sur la protection des travailleurs vulnérables et des réfugiés. Jagmeet Singh n’a pas fixé de cible précise, mais propose de maintenir ou d’augmenter les niveaux d’immigration tout en améliorant les services d’intégration. Concernant les Haïtiens, le NPD soutient des voies permanentes pour les résidents temporaires et une réforme des permis de travail fermés, qui lient les travailleurs à un seul employeur. Une victoire du NPD ou une coalition avec les libéraux pourrait bénéficier aux Haïtiens en facilitant l’accès à la résidence permanente.
- Bloc Québécois (Yves-François Blanchet) : Le Bloc, influent au Québec où se concentrent de nombreux Haïtiens, demande une réduction des niveaux d’immigration nationaux et une répartition plus équitable des demandeurs d’asile à travers les provinces. Il propose de donner plus de contrôle au Québec sur les immigrants temporaires et de durcir les critères pour les demandes d’asile déposées plus de 14 jours après un passage irrégulier à la frontière. Ces mesures pourraient compliquer l’accès à l’asile pour les Haïtiens, particulièrement ceux arrivant via les États-Unis.
- Parti vert : Les verts plaident pour une planification coordonnée avec les provinces et un soutien accru à la diversité culturelle, notamment via des cibles ambitieuses pour l’immigration francophone. Bien que moins détaillées, leurs politiques favorisent une approche humanitaire, susceptible de bénéficier aux Haïtiens.
Un débat électoral sous influence
L’immigration haïtienne est devenue un point de friction dans un contexte où les Canadiens s’inquiètent des pressions sur les infrastructures. Un article de CBC News, publié le 20 avril 2025, rapporte que des immigrants, comme Sanjeev Kumar, un restaurateur de Calgary, critiquent le manque de planification pour intégrer les nouveaux arrivants, y compris les Haïtiens, dans un marché du travail et un parc de logements saturés. Cette frustration est partagée par Joana Valamootoo, une immigrante de 2012, qui déplore la détérioration des conditions d’accueil.
L’élection de Donald Trump a amplifié ces tensions. Sa promesse de déportations massives, y compris pour les Haïtiens bénéficiant du statut de protection temporaire (TPS) aux États-Unis, fait craindre une vague de migrations vers le Canada, comme lors de la suppression du TPS pour 60 000 Haïtiens en 2018, qui avait entraîné un afflux à la frontière de Roxham Road. Le professeur Jonathan Rose, de l’Université Queen’s, note que Poilievre a intensifié son discours anti-immigration depuis novembre 2024, capitalisant sur ces inquiétudes.
Une communauté haïtienne en attente
La communauté haïtienne au Canada, estimée à environ 44 000 résidents temporaires, vit dans l’incertitude. Abdulla Daoud, du Refugee Centre à Montréal, rapporte une anxiété croissante parmi les demandeurs d’asile, qui craignent de ne pas être accueillis dans un climat de durcissement des politiques migratoires. Les délais de traitement des demandes d’asile, qui peuvent atteindre trois ans, aggravent cette précarité.
Des organisations comme le Conseil canadien pour les réfugiés appellent à des réformes, notamment une définition élargie de la réunification familiale et des voies permanentes pour les Haïtiens sans statut, présents au Canada depuis des années. Une pétition déposée en 2023 demandait un programme de visa humanitaire Canada-Haïti, mais elle a été interrompue par la dissolution du Parlement en mars 2025.
Vers un tournant politique
L’issue de l’élection du 28 avril aura des répercussions majeures pour les Haïtiens. Une victoire conservatrice pourrait entraîner des restrictions sur les demandes d’asile et une réduction des admissions humanitaires, affectant directement les migrants haïtiens. À l’inverse, une coalition libérale-NPD pourrait maintenir une approche plus ouverte, avec des investissements dans l’intégration. Le Québec, où la diaspora haïtienne est particulièrement présente, jouera un rôle clé, le Bloc Québécois exerçant une pression pour des politiques migratoires plus strictes.
Alors que la campagne entre dans sa phase finale, les Haïtiens et leurs défenseurs attendent des engagements clairs. Comme le souligne Amnesty International, les droits humains, y compris ceux des migrants, doivent rester au cœur des débats pour préserver l’image du Canada comme terre d’accueil.