Face à des rumeurs de menaces sécuritaires, le nouveau directeur départemental appelle à l’unité pour contrer le banditisme
Les Cayes – Dans un contexte de tensions sécuritaires croissantes, le commissaire divisionnaire Serge Allande Jolicoeur a été officiellement installé à la tête de la Police nationale d’Haïti (PNH) dans le département du Sud, ce lundi 21 avril 2025. Succédant à Daniel Compère, transféré à la Direction centrale de la police administrative (DCPA), Jolicoeur prend les commandes à un moment critique, alors que des rumeurs d’attaques de gangs contre le commissariat des Cayes et d’autres zones côtières alimentent l’inquiétude. La cérémonie, tenue au commissariat des Cayes, a réuni des autorités locales et des représentants de la société civile, tous unis dans leur appel à renforcer la sécurité face à la menace grandissante du banditisme.
Une passation sous haute tension
La cérémonie d’installation, dirigée par le directeur départemental des Nippes, Louis Jeune Pierre Michelet, s’est déroulée en présence de figures clés, dont le délégué départemental, le vice-délégué, le commissaire du gouvernement de Miragoâne, Jean Ernest Muscadin, et des membres de la société civile. L’événement a été marqué par des discours soulignant l’urgence de contrer l’insécurité dans un département jusque-là relativement épargné par la violence des gangs qui paralyse Port-au-Prince et d’autres régions.
Daniel Compère, qui a dirigé la PNH dans le Sud pendant trois ans, a pris la parole pour dresser un bilan de son mandat. « Le département du Sud n’est plus ce qu’il était il y a cinq ans », a-t-il déclaré, tout en se disant prêt à conseiller son successeur pour relever les défis sécuritaires. « Où que je sois, vous pouvez compter sur mes conseils pour maintenir la sécurité », a-t-il assuré à Jolicoeur, soulignant la complexité de la crise actuelle.
Serge Allande Jolicoeur, pour sa part, a adopté un ton résolu, appelant à une collaboration étroite entre la PNH, les autorités et la population. « Je ne viens pas faire cavalier seul, mais j’exige que chacun fasse son travail », a-t-il affirmé. « J’invite la population à former un front commun avec la PNH pour combattre le banditisme. » Remerciant le directeur général de la PNH pour sa confiance, il s’est engagé à tout mettre en œuvre pour protéger le département.
Rumeurs d’attaques et polémique
Le transfert de Compère intervient dans un climat de rumeurs alarmantes. Une lettre datée du 11 avril, attribuée à l’ex-directeur et circulant sur les réseaux sociaux, faisait état de la présence de 33 individus lourdement armés dans les communes de Tiburon et Les Anglais, avec l’intention de prendre d’assaut les commissariats côtiers. La lettre mentionnait également un possible mouvement depuis Pestel, orchestré par l’ancien sénateur Guy Philippe, visant la ville des Cayes. Ces informations, bien que non confirmées officiellement, ont semé la panique et alimenté les spéculations.
Compère a fermement démenti que son transfert soit lié à cette lettre ou à un refus de collaborer avec les autorités. « Ce n’est pas à cause des rumeurs que j’ai été transféré. Je combats le désordre », a-t-il insisté, qualifiant la lettre de « relevant du passé ». Malgré les tentatives de journalistes et d’autorités pour obtenir des clarifications, l’absence de réponse claire de sa part avant son départ a amplifié les inquiétudes.
Une mobilisation contre les gangs
Face à ces menaces potentielles, les autorités locales redoublent d’efforts pour protéger le Sud. Le délégué départemental Charles Linscol, le président de l’Association des maires du Sud, Frisnel Chéry, et le commissaire du gouvernement Jean Ernest Muscadin se sont engagés à travailler avec la PNH pour empêcher les gangs de s’implanter dans la région. Muscadin, présent à la cérémonie, a adopté un ton combatif : « Les bandits ne peuvent pas venir dans le Sud. Ils mourront. » Il a promis une collaboration étroite avec Jolicoeur, Compère et les autres autorités pour sécuriser le département.
Le Sud, bien que moins touché que Port-au-Prince, où les gangs contrôlent 85 % de la capitale, n’est pas à l’abri. Les récentes attaques à Mirebalais et Saut-d’Eau, ainsi que l’expansion de la coalition Viv Ansanm, rappellent que la menace gangrène progressivement d’autres régions. La nomination de Jolicoeur, un officier expérimenté, vise à renforcer la capacité de la PNH à anticiper et contrer ces risques.
Un appel à l’unité face à la crise
La cérémonie d’installation a également été l’occasion de réaffirmer l’importance de l’unité face à l’insécurité. Jolicoeur a insisté sur le rôle de la population, exhortant les citoyens à collaborer avec les forces de l’ordre pour signaler toute activité suspecte. « La sécurité est l’affaire de tous », a-t-il déclaré, un message repris par les autorités présentes, conscientes que la lutte contre le banditisme nécessite une mobilisation collective.
Sur les réseaux sociaux, les réactions oscillent entre espoir et prudence. Certains saluent l’arrivée de Jolicoeur comme une chance de renforcer la sécurité, tandis que d’autres s’interrogent sur la capacité de la PNH à faire face à des gangs de plus en plus organisés, dans un contexte où les ressources matérielles et humaines restent limitées. « On veut des actions, pas seulement des discours », écrit un utilisateur sur X, reflétant l’attente pressante de résultats concrets.
Un défi de taille pour Jolicoeur
Serge Allande Jolicoeur hérite d’une mission complexe : maintenir la stabilité dans un département menacé par l’expansion des gangs, tout en restaurant la confiance d’une population inquiète. Son expérience et sa volonté affichée de collaboration seront mises à l’épreuve dans les semaines à venir, alors que le Sud se prépare à d’éventuelles incursions. Avec le soutien des autorités locales et l’engagement de figures comme Muscadin, il dispose d’un réseau pour relever ce défi, mais la tâche reste ardue face à une crise sécuritaire nationale qui s’aggrave.
Alors que Haïti lutte pour reprendre le contrôle de son territoire, l’installation de Jolicoeur dans le Sud symbolise une tentative de résistance face au chaos. Le succès de sa mission dépendra non seulement de ses stratégies, mais aussi de la capacité des institutions haïtiennes à s’unir pour protéger leurs citoyens.