Face à l’échec patent du Conseil présidentiel de transition, la Caricom multiplie les consultations discrètes avec les acteurs politiques haïtiens. L’objectif : relancer un processus de négociation avant que la situation ne se dégrade davantage. Une initiative qui témoigne de l’inquiétude croissante de la communauté internationale.

Alors que Port-au-Prince s’enlise dans la violence et que les promesses électorales du Conseil présidentiel de transition (CPT) tardent à se concrétiser, la diplomatie caribéenne se mobilise en coulisses. Cette semaine, le Groupe des éminentes personnalités (GPE) de la Caricom a discrètement consulté plusieurs leaders politiques haïtiens, ouvrant la voie à de possibles nouvelles négociations pour sortir le pays de la crise.

Un constat d’échec partagé

Les signaux sont unanimes : le système politique actuel ne fonctionne pas. André Michel, figure emblématique du regroupement « 21 décembre », ne mâche pas ses mots. Pour lui, il n’est pas nécessaire d’attendre le 7 février 2026 – date théorique de fin de la transition – pour constater l’échec du pouvoir en place. « Face à l’échec sans appel du CPT et de la Gouvernance politique actuelle, la reprise des négociations permettra aux parties prenantes de faire le diagnostic de la situation », explique-t-il au Nouvelliste.

Cette analyse rejoint celle de nombreux observateurs, qu’ils soient en Haïti ou dans la diaspora. Depuis Brooklyn jusqu’à Miami, en passant par Montréal, les communautés haïtiennes expriment leur frustration face à une transition qui piétine pendant que les gangs contrôlent toujours une grande partie du territoire national.

La Caricom en médiateur de la dernière chance

L’intervention du GPE de la Caricom n’est pas anodine. Cette organisation, qui rassemble les pays des Caraïbes anglophones et francophones, a toujours maintenu des liens privilégiés avec Haïti. Pour les dirigeants caribéens, la stabilisation d’Haïti représente un enjeu régional majeur, tant sur le plan sécuritaire qu’économique.

Jean André Victor, du Collectif du 30 janvier, confirme ces consultations tout en restant prudent : « Ils sont en train d’explorer les possibilités de discussions. Ce sera possible ou pas, en fonction des réactions des acteurs. » Cette approche méthodique témoigne de la volonté de la Caricom d’éviter les écueils des précédentes initiatives de médiation.

Tous les partis sur la même longueur d’onde

L’unanimité des réactions surprend dans un paysage politique haïtien habitué aux divisions. Claude Joseph, de l’EDE, confirme sa disponibilité : « EDE est prêt à participer à toutes les initiatives visant à une résolution de la crise. » Même son de cloche du côté de la société civile, avec Me Gédéon Jean du CARDH qui a également été consulté.

Cette convergence traduit peut-être une prise de conscience collective : face à l’ampleur de la crise sécuritaire et humanitaire, les querelles politiciennes passent au second plan. Pour les familles haïtiennes qui vivent au quotidien sous la menace des gangs, cette ouverture au dialogue représente une lueur d’espoir.

L’ombre de Fanmi Lavalas plane sur les discussions

Si la plupart des consultations ont été confirmées, une zone d’ombre demeure : la position de Fanmi Lavalas. Selon les sources du Nouvelliste, le parti de l’ancien président Aristide aurait également été contacté. Cette participation potentielle pourrait être déterminante, compte tenu du poids historique de cette formation dans le paysage politique haïtien.

La question de l’élargissement des discussions aux « non-signataires de l’accord du 3 avril 2024 » reste également ouverte. Inclure davantage d’acteurs pourrait enrichir le processus, mais aussi le compliquer.

Des attentes immenses, des défis colossaux

Pour la communauté internationale, ces consultations représentent peut-être la dernière chance d’éviter un effondrement total des institutions haïtiennes. La « mauvaise réputation du CPT » évoquée par Claude Joseph reflète l’exaspération croissante des partenaires d’Haïti face à l’incapacité du pouvoir de transition à tenir ses promesses.

Ces consultations discrètes de la Caricom marquent-elles le début d’un nouveau chapitre pour Haïti ? Ou ne sont-elles qu’une énième tentative vouée à l’échec ? Une chose est certaine : le temps presse. Pour les millions d’Haïtiens qui espèrent encore, ces discussions représentent peut-être la dernière opportunité de sortir le pays de l’ornière avant que la situation ne devienne totalement incontrôlable.

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