Avec l’installation du nouveau bureau du Conseil électoral provisoire, Haïti tourne une page et engage sa transition institutionnelle. Mais la route vers des élections crédibles reste encore semée d’embûches.

Lundi 13 octobre 2025, les portes du Conseil électoral provisoire (CEP) à Pétion-Ville se sont ouvertes sur un nouveau chapitre de la vie électorale haïtienne. Jacques Desrosiers, ancien trésorier et représentant des associations de journalistes, a offciellement pris la présidence de l’institution, succédant à Patrick Saint-Hilaire qui avait annoncé son départ le 19 septembre dernier.

Cette transition intervient à un moment critique pour Haïti, alors que le pays attend toujours les décisions du Conseil présidentiel de transition concernant le calendrier du référendum et des prochaines élections. Pour la diaspora haïtienne qui observe de loin, cet événement revêt une importance particulière : c’est de ces institutions que dépend la légitimité du processus démocratique qui permettra au pays de sortir de la transition.

Une nouvelle équipe pour redynamiser le CEP

Le nouveau bureau du CEP s’articule autour de quatre acteurs clés représentant différents secteurs de la société haïtienne. Aux côtés de Desrosiers, on retrouve Jaccéus Joseph (vice-président), représentant des associations paysannes, Peterson Pierre Louis (secrétaire général), représentant des cultes réformés, et Nemrod Sanon (trésorier), représentant des syndicats. Cette composition reflète l’intention de faire du CEP un organe vraiment représentatif de la diversité haïtienne.

Le choix de Jacques Desrosiers, issu du monde des médias, envoie un signal particulier : celui d’une institution qui souhaite s’ouvrir davantage aux citoyens et à la presse. Dans un pays où les défaillances institutionnelles ont souvent minél’accès à l’information, cette proximité avec le secteur journalistique pourrait améliorer la transparence du processus.

L’héritage de Saint-Hilaire : des fondations posées, mais fragiles

Dans son discours de fin de mandat, Patrick Saint-Hilaire a voulu mettre en avant ses accomplissements. Il a énuméré plusieurs réalisations concrètes : l’assainissement administratif et financier du CEP, le recrutement des membres des structures déconcentrées, l’évaluation des centres de votes, et la signature d’un accord avec l’Université d’État d’Haïti pour la création d’une chaire électorale.

Pour un Haïtien vivant à New York, à Montréal ou à Port-au-Prince, ces mesures témoignent d’efforts pour moderniser une institution souvent critiquée pour sa gestion opaque. Saint-Hilaire a aussi insisté sur sa « conscience tranquille » et son passage « dans la dignité et l’unité », suggérant que son départ n’était pas une fuite devant les difficultés, mais une décision mûrement réfléchie.

Cependant, les défis restent immenses. Le processus électoral haïtien demeure entaché d’insécurité, de manque de confiance du public, et d’une polarisation politique toujours vivace.

Desrosiers : un président de la continuité et du dialogue

Jacques Desrosiers a d’emblée rassuré en affirmant que son installation ne marquerait pas une rupture avec les « bonnes pratiques » de gestion administrative et financière mises en place par son prédécesseur. Au contraire, il s’engage à consolider les acquis. C’est un message qui vise à rassurer tant les partenaires internationaux que les Haïtiens sceptiques quant à la stabilité des institutions.

Mais où Desrosiers se distingue, c’est dans son approche du dialogue citoyen. Il promet de faire du CEP « un organe à l’écoute des préoccupations des citoyens », en favorisant « un dialogue constructif et inclusif où chaque voix sera entendue ». Ces paroles résonnent particulièrement pour la diaspora, souvent exclue des processus décisionnels nationaux, et pour les citoyens en Haïti qui se sentent abandonnés par leurs institutions.

Le nouveau président a également placé l’éducation civique au cœur de son agenda. L’absence d’une véritable culture électorale reste un problème majeur en Haïti, où beaucoup ignorent leurs droits ou se désintéressent du vote, parfois par manque de confiance dans le système. Desrosiers semble conscient que restaurer la crédibilité électorale passe par l’éducation et la sensibilisation.

Le grand absent : le calendrier électoral

Si cette installation offre une certaine stabilité institutionnelle, elle ne règle pas la question qui taraude tous les Haïtiens : quand auront lieu les élections ? Le CEP attend toujours les décisions du Conseil présidentiel de transition. Cette incertitude prolonge l’instabilité politique et maintient le pays en état de suspension.

Pour la diaspora, cette attente est particulièrement frustrante. Beaucoup se demandent s’ils pourront voter depuis l’étranger, selon quels mécanismes, et surtout si leur voix comptera vraiment dans la refondation de la nation.

Un test pour la démocratie haïtienne

L’arrivée de Jacques Desrosiers à la tête du CEP représente une opportunité pour Haïti de rétablir un minimum de confiance dans ses institutions électorales. Mais c’est aussi un test. Les promesses de transparence, de dialogue et d’inclusion ne valent que si elles sont traduites en actes concrets.

Pour réussir, le CEP devra non seulement établir un calendrier électoral crédible, mais aussi garantir la sécurité de tous les acteurs politiques et des citoyens, combattre le trafic de votes, et mettre en place des mécanismes de vérification robustes.

La question que se posent Haïtiens à Port-au-Prince et en diaspora est simple : cette nouvelle direction du CEP saura-t-elle transformer les bonnes intentions en réalités électorales ? Les mois à venir donneront la réponse.

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