La commune autrefois prospère de Pétion-Ville traverse une crise sanitaire majeure. Entre montagnes d’ordures, prolifération du commerce informel et défaillance des autorités locales, cette enquête révèle l’ampleur d’une dégradation qui menace l’avenir d’une des zones les plus emblématiques d’Haïti.
Un parfum nauséabond flotte désormais dans les rues de Pétion-Ville. Là où les touristes aimaient flâner, où la bourgeoisie haïtienne et les membres de la diaspora en visite venaient faire leurs emplettes, s’entassent aujourd’hui des montagnes de déchets qui transforment cette commune jadis coquette en véritable dépotoir à ciel ouvert.
Le cri d’alarme des commerçants
Notre équipe s’est rendue sur le terrain le jeudi 22 mai 2025 pour constater l’ampleur des dégâts. Le constat est accablant : de la rue passant devant l’église Don Bosco aux abords de l’ancien cimetière, en passant par le marché central, Pétion-Ville suffoque sous les fatras.
« Nous vivons dans un véritable chaos. Les ordures s’entassent partout, l’insécurité est partout », témoigne une vendeuse rencontrée près du marché, la voix chargée d’amertume. Son cri de détresse résume parfaitement le sentiment général qui règne dans la commune.
Un vendeur ambulant nous confie sans détour : « Il n’y a personne à Pétion-Ville qui dirige réellement. C’est pour cela que la situation devient chaque jour pire. » Ces mots durs pointent du doigt un leadership défaillant qui peine à répondre aux attentes d’une population en souffrance.
L’explosion du secteur informel : symptôme d’une crise plus profonde
L’augmentation spectaculaire du nombre de marchands ambulants dans les rues de Pétion-Ville n’est pas anodine. Elle reflète la détérioration de la situation économique nationale qui pousse de plus en plus d’Haïtiens vers l’économie de survie.
« Chaque jour, nous sommes de plus en plus nombreux dans la rue, car on n’a pas d’autre choix pour gagner notre vie », explique une marchande de sandales. « Mais cela complique la circulation et la sécurité pour tout le monde. »
Cette réalité illustre parfaitement le cercle vicieux dans lequel s’enfonce la commune : la crise économique pousse vers l’informel, qui désorganise l’espace urbain, qui aggrave l’insécurité, qui décourage les investisseurs et les visiteurs.
Un danger sanitaire imminent
Au-delà de l’aspect esthétique, c’est un véritable péril sanitaire qui menace les habitants de Pétion-Ville. L’accumulation de déchets crée un environnement propice à la prolifération de maladies vectorielles, particulièrement dangereuses dans un contexte où le système de santé haïtien est déjà fragilisé.
Les odeurs nauséabondes qui imprègnent l’air, notamment autour du marché central, ne sont que la partie visible d’un iceberg sanitaire qui pourrait avoir des conséquences dramatiques sur la santé publique.
L’urgence d’une gouvernance locale forte
Face à cette situation, les appels à l’action se multiplient. Les citoyens réclament des mesures concrètes : mise en place d’un service efficace de collecte des déchets, réorganisation du commerce ambulant, renforcement de la sécurité.
« Pétion-Ville est une commune pleine de potentiel, mais il faut que les responsables comprennent qu’ils doivent agir maintenant », lance un résident. « Laisser les choses se détériorer, c’est condamner l’avenir de nos enfants. »
Un défi qui dépasse Pétion-Ville
La crise que traverse Pétion-Ville est révélatrice des défis auxquels font face de nombreuses communes haïtiennes. Elle souligne l’urgence de repenser la gouvernance locale, la gestion urbaine et l’accompagnement du secteur informel.
Pour les membres de la diaspora qui gardent un attachement particulier à cette commune, symbole de réussite et de modernité, la situation actuelle est d’autant plus douloureuse qu’elle remet en question l’image d’une Haïti capable de se développer.
Pétion-Ville peut-elle retrouver son lustre d’antan ? La réponse dépendra de la capacité des autorités locales à agir rapidement et efficacement. Car au-delà des déchets qui jonchent ses rues, c’est l’espoir d’une renaissance urbaine qui est en jeu. Le temps presse, et chaque jour d’inaction creuse un peu plus le fossé entre ce que fut cette commune et ce qu’elle pourrait redevenir.