Smith Augustin, membre du Conseil présidentiel de transition, a été retenu quatre heures par les autorités dominicaines après être entré « frauduleusement » sur leur territoire. Un incident diplomatique embarrassant qui révèle les tensions persistantes entre les deux pays.
Il y a des records dont on se passerait bien. Smith Augustin, conseiller au sein du Conseil présidentiel de transition (CPT), vient d’établir un précédent peu glorieux : être le premier membre d’un gouvernement haïtien en fonction à être interpellé et gardé à vue par les services de renseignement dominicains. L’incident, survenu fin juillet, jette une lumière crue sur les relations tendues entre Port-au-Prince et Saint-Domingue.
Une entrée « frauduleuse » qui tourne mal
Tout commence le mercredi 30 juillet, à la frontière de Dajabón. Le consul haïtien Herns Laveaux, accompagné de Smith Augustin, tente de franchir la frontière dominicaine après la fermeture officielle. Malgré les explications du consul aux agents dominicains, le conseiller présidentiel refuse d’être contrôlé, prétextant qu’il ne fera qu’une « course de quelques minutes ». Son passeport n’est donc pas tamponné.
Erreur fatale. Au lieu de respecter leur engagement de rester dans la zone frontalière, les deux hommes se rendent d’abord à Santiago, puis à Saint-Domingue. Ce qu’ils ignorent, c’est que les services de renseignement dominicains les suivent à la trace.
« Ils ont été suivis par les services de renseignements dominicain sans le savoir », confient des sources diplomatiques au Nouvelliste. Une filature qui révèle l’ampleur de leur « excursion » non déclarée sur le territoire dominicain.
Quatre heures sous surveillance
Le vendredi 1er août, Smith Augustin se présente à l’immigration dominicaine pour s’expliquer. À 10 heures du matin, les autorités confisquent son passeport sans explication. S’ensuit une détention de quatre heures qui mobilise toute la chaîne diplomatique haïtienne.
Le consul Almonor, chef de poste à Dajabón, alerte l’ambassadeur Fritz Longchamp, qui informe à son tour le CPT avant d’entreprendre les démarches pour la libération du conseiller. Une situation d’autant plus embarrassante que Smith Augustin, ancien ambassadeur d’Haïti en République dominicaine, connaît parfaitement les procédures frontalières.
Un silence assourdissant du CPT
Fait troublant : le Conseil présidentiel de transition n’a fait aucune déclaration publique sur cet incident. Un silence qui contraste avec l’ampleur de l’embarras diplomatique causé par l’un de ses membres.
Les autorités dominicaines, elles, ont exigé de l’ambassade haïtienne une note explicative sur l’incident. Une demande qui souligne la gravité de la situation aux yeux de Saint-Domingue.
Des relations déjà tendues
Cet épisode survient dans un contexte particulièrement délicat. En août 2024, les membres du CPT avaient boycotté l’investiture du président dominicain Luis Abinader, invoquant la fermeture de la frontière. Aujourd’hui, les expulsions régulières et souvent inhumaines de ressortissants haïtiens par les autorités dominicaines continuent d’empoisonner les relations bilatérales.
Pour les Haïtiens de la diaspora, notamment ceux qui vivent en République dominicaine dans des conditions précaires, cet incident résonne comme un symbole des humiliations quotidiennes auxquelles sont confrontés leurs compatriotes.
Cette affaire pose une question fondamentale : comment les dirigeants haïtiens peuvent-ils défendre la dignité de leurs compatriotes à l’étranger s’ils ne respectent pas eux-mêmes les règles élémentaires du droit international ? Dans un contexte où chaque geste diplomatique compte, l’exemplarité ne devrait-elle pas commencer par ceux qui nous représentent ?