Cinq mois après l’annonce en fanfare d’une restructuration, la Radio Nationale d’Haïti végète toujours dans la précarité. Entre équipements défaillants et absence de vision, l’institution emblématique du paysage audiovisuel haïtien semble naviguer sans boussole, délaissant sa mission de service public au moment où le pays en a le plus besoin.
Ils étaient nombreux, ces Haïtiens de Port-au-Prince comme de la diaspora, à garder en mémoire les grandes heures de la Radio Nationale. Cette voix qui rythmait les matinées avec ses bulletins d’information, qui accompagnait les moments historiques du pays, qui faisait le lien entre les compatriotes d’ici et d’ailleurs. Aujourd’hui, cette même radio ressemble davantage à un navire fantôme qu’à la locomotive médiatique qu’elle était censée redevenir.
Cinq mois se sont écoulés depuis la création d’une commission de restructuration, présentée comme l’aube d’un nouveau jour pour la RNH. Pourtant, sur le terrain, la réalité est tout autre. Les journalistes continuent de bricoler avec les moyens du bord, utilisant leurs téléphones personnels pour enregistrer leurs reportages, faute de matériel professionnel. Une situation qui rappelle amèrement les débuts difficiles de certaines radios communautaires dans les quartiers populaires, mais qui détonne pour une institution nationale.
Des promesses qui s’évaporent dans les couloirs
« Il n’y a pas de véhicules pour assurer la couverture des événements. Certains journalistes doivent se débrouiller par leurs propres moyens pour se rendre sur le terrain », confie un employé qui préfère garder l’anonymat. Une réalité qui contraste cruellement avec les standards des médias internationaux que suivent quotidiennement les Haïtiens de la diaspora, habitués aux moyens techniques de pointe de leurs radios locales à Miami, New York ou Montreal.
La fameuse commission de restructuration, elle, brille par son silence. Aucun rapport d’étape, aucune communication publique, aucun plan concret. Pour reprendre une expression chère aux Haïtiens : « Kote komisyon an ye ? » Nulle part, semble-t-il. Cette absence de transparence rappelle malheureusement d’autres promesses institutionnelles qui ont fini par tomber dans l’oubli.
L’État haïtien perd sa voix
Dans un pays où l’information circule souvent de bouche à oreille, où les réseaux sociaux sont devenus le principal canal de diffusion des nouvelles, la Radio Nationale avait un rôle crucial à jouer. Elle devait être cette voix rassembleuse, ce lien entre les Haïtiens de tous horizons, qu’ils vivent dans les mornes de Port-au-Prince ou dans les banlieues de Boston.
« On ne sait même pas qui dirige quoi. Il n’y a pas de cap, pas de directives. On navigue à vue », déplore un cadre technique. Cette dérive managériale n’est pas sans rappeler les difficultés que traversent de nombreuses institutions publiques haïtiennes, prises dans l’étau de l’instabilité politique et du manque de vision à long terme.
Aujourd’hui, quand nos compatriotes de la diaspora veulent s’informer sur l’actualité haïtienne, ils se tournent vers des stations privées ou des plateformes en ligne. La Radio Nationale, qui devrait être le reflet officiel de l’État, a pratiquement disparu des radars. Sa programmation, autrefois structurée et riche, est devenue fantomatique.
Le déclin de la RNH pose une question fondamentale : dans un pays où les institutions peinent à assumer leurs responsabilités, que devient le service public ? Pour les millions d’Haïtiens qui espèrent encore entendre la voix de leur pays résonner avec dignité sur les ondes, l’avenir de la Radio Nationale cristallise tous les enjeux de la refondation institutionnelle. Sans sursaut rapide, cette voix historique risque de s’éteindre définitivement, privant Haïti d’un outil essentiel de cohésion nationale. La balle est maintenant dans le camp des autorités : sauront-elles redonner souffle à cette institution ou la laisseront-elles sombrer dans l’indifférence générale ?