L’homme d’affaires haïtien continue de se battre contre son expulsion depuis sa cellule de Krome. Une juge fédérale exige maintenant des explications du gouvernement Trump sur sa détention prolongée.

Plus d’un mois après son arrestation spectaculaire en Floride, Pierre Réginald Boulos se trouve toujours au centre d’une bataille juridique complexe qui divise la communauté haïtienne-américaine. Ce mardi, l’ancien candidat à la présidence d’Haïti a comparu pour la deuxième fois devant le juge de l’immigration Jorge Pereira, dans une affaire qui pourrait redéfinir les relations entre Washington et Port-au-Prince.

Une détention qui fait polémique

L’arrestation de Boulos le 17 juillet dernier avait créé un séisme dans la diaspora haïtienne. Accusé d’avoir « violé les lois sur l’immigration » et de mener « une campagne de violence pour déstabiliser Haïti », l’homme d’affaires de 69 ans clame son innocence depuis sa cellule du centre de rétention Krome North à Miami.

Mais aujourd’hui, c’est une juge fédérale qui monte au créneau. Beth Bloom a ordonné au Département de la Sécurité intérieure (DHS) de justifier, avant le 2 septembre, pourquoi la détention de Boulos devrait se poursuivre. Un développement qui redonne espoir aux partisans de l’homme d’affaires.

La bataille de la citoyenneté

Au cœur du débat : Réginald Boulos est-il encore citoyen américain ? Ses avocats soutiennent que la révocation de sa citoyenneté en 2008 était entachée d’irrégularités. « Les documents fournis sont viciés et ne démontrent pas que le Département d’État a respecté ses propres règles », martèle Me Richard Jurgens, son avocat.

Pour eux, c’est simple : « Le Dr Boulos est toujours citoyen des États-Unis » et ne peut donc pas être expulsé.

Mais le gouvernement ne l’entend pas de cette oreille. L’avocate du DHS, Gina Garrett-Jackson, rappelle que Boulos avait lui-même renoncé à sa citoyenneté en 2008 à l’ambassade américaine de Port-au-Prince. Plus révélateur encore : pourquoi aurait-il demandé un visa non-immigrant en 2020 et sollicité le statut de protection temporaire (TPS) en 2021 s’il était encore citoyen ?

Marco Rubio entre dans la danse

L’affaire prend une tournure politique avec l’intervention du secrétaire d’État Marco Rubio, qui qualifie Boulos « d’étranger expulsable » dans une lettre officielle. Pour beaucoup d’observateurs, cette prise de position reflète le durcissement de la politique de l’administration Trump envers Haïti.

Certains y voient même un message aux élites haïtiennes : ceux qui jouent un double jeu entre les États-Unis et Haïti pourraient en payer le prix.

Un homme pris entre deux mondes

L’ironie de cette affaire n’échappe à personne dans la communauté haïtienne. Boulos, qui avait fondé le parti Mouvement Troisième Voie et brigué la présidence d’Haïti, se retrouve aujourd’hui dans une position délicate. Accusé de déstabiliser son pays natal par les Américains, il est perçu par beaucoup d’Haïtiens comme un patriote qui a osé défier l’establishment.

Cette ambiguïté reflète le dilemme de nombreux Haïtiens de la diaspora : comment concilier leur engagement pour Haïti avec leur vie aux États-Unis ?

Rendez-vous le 22 septembre

Le juge Pereira, prudent, a préféré renvoyer la décision finale. « Je ne suis pas un expert en politique étrangère ni en matière de citoyenneté », a-t-il déclaré, suggérant que l’affaire pourrait ultimement être tranchée par un tribunal fédéral.

La prochaine audience est fixée au 22 septembre. D’ici là, Boulos restera derrière les barreaux, symbole vivant des tensions qui traversent la relation complexe entre Haïti et les États-Unis. Pour ses partisans comme pour ses détracteurs, cette affaire dépasse largement le cas d’un homme : elle questionne la place d’Haïti dans les priorités américaines et le prix de l’engagement politique pour ceux qui ont choisi l’exil.

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