Une enquête explosive de l’UCREF révèle l’enrichissement inexpliqué de l’ancienne mairesse de l’Arcahaie. Entre comptes bancaires gonflés et propriétés mystérieuses, le dossier soulève de lourds soupçons de blanchiment d’argent.

L’histoire pourrait sembler tirée d’un roman, mais elle est bien réelle. Marie Rosemila Saint-Vil Petit-Frère, ancienne mairesse de l’Arcahaie, a vu sa fortune exploser de manière spectaculaire en quelques années. D’un modeste salaire de technicienne de 25 000 gourdes par mois, elle est passée à un patrimoine de plusieurs dizaines de millions, sans qu’aucune activité économique documentée ne puisse l’expliquer.

Un rapport exclusif de l’Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF), obtenu par Haïti Infos Pro, lève le voile sur cette ascension financière troublante qui interpelle sur l’état de nos institutions.

Des comptes bancaires qui donnent le vertige

Les chiffres découverts par les enquêteurs de l’UCREF font froid dans le dos. Sur ses trois comptes à la Banque Nationale de Crédit, plus de 96 millions de gourdes ont transité en seulement quatre ans (2019-2023). Pour mettre cela en perspective : avec un salaire minimum de 500 gourdes par jour, il faudrait travailler plus de 500 ans sans rien dépenser pour accumuler une telle somme.

Mais ce qui intrigue le plus les enquêteurs, ce sont ces virements suspects qui tombent comme la pluie en saison cyclonique. Un transfert de 10 millions de gourdes d’une mystérieuse entité appelée « Centre Commercial », un autre de 2 millions de FENAFEM.H… Des sommes qui arrivent et repartent aussitôt, comme si les comptes servaient de simple « blanchisserie financière ».

Du côté des devises, c’est le même scénario : 115 418 dollars américains qui entrent et sortent sans laisser de traces, dans un ballet financier qui défie toute logique économique.

Un patrimoine immobilier qui pose questions

Pendant que beaucoup d’Haïtiens peinent à construire une petite case, Rosemila Petit-Frère accumule les propriétés comme on collectionne les timbres. Cinq véhicules, dont une Toyota Land Cruiser flambant neuve, plusieurs maisons, un bureau acheté 100 000 dollars, une ferme agricole…

Mais le plus troublant reste cette propriété de Delmas 41, officiellement déclarée au nom de ses enfants mineurs. Une astuce juridique bien connue pour dissimuler la véritable origine des fonds, selon les spécialistes. « Mete nan ti moun lan pou yo pa jwenn li », comme on dit en créole.

De technicienne à millionnaire : l’équation impossible

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Avec ses 25 000 gourdes de salaire mensuel au MAST, puis 150 000 gourdes comme membre de cabinet ministériel, et enfin 130 000 gourdes comme mairesse, Rosemila Petit-Frère aurait dû accumuler tout au plus quelques millions sur toute sa carrière.

Comment expliquer alors qu’elle possède aujourd’hui un patrimoine évalué à plusieurs dizaines de millions de gourdes et des centaines de milliers de dollars ? C’est la question à un million de dollars que se posent les enquêteurs.

Une arrestation qui tombe à pic

Le timing est pour le moins troublant. Alors que l’enquête de l’UCREF, lancée en août 2023, révélait ces incohérences financières, Rosemila Petit-Frère s’est fait interpeller par les autorités dominicaines le 10 août dernier, en revenant du Canada avec des chèques de gros montants et une importante somme en liquide.

Remise aux autorités haïtiennes le 13 août, elle se trouve actuellement à la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), où elle devra s’expliquer sur cet enrichissement mystérieux.

Une affaire qui dépasse le simple cas individuel

Au-delà du dossier personnel de Rosemila Petit-Frère, cette affaire soulève des questions fondamentales sur le fonctionnement de nos institutions. Comment une fonctionnaire peut-elle s’enrichir à ce point sans que personne ne s’en aperçoive ? Quels mécanismes de contrôle ont failli ?

Pour les Haïtiens qui luttent quotidiennement pour joindre les deux bouts, que ce soit à Port-au-Prince ou dans la diaspora, cette histoire résonne comme une gifle. Elle illustre parfaitement pourquoi tant de compatriotes ont perdu confiance en leurs dirigeants et préfèrent chercher leur avenir ailleurs.

Reste à savoir si la justice haïtienne saura aller jusqu’au bout de cette enquête et démêler les fils de cette toile financière complexe. L’avenir nous le dira, mais une chose est sûre : les Haïtiens méritent des réponses claires sur cette affaire qui entache un peu plus l’image de la classe politique nationale.

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