Le père Jean Julien Ladouceur, figure respectée de l’Église catholique et directeur national de la Commission épiscopale pour l’éducation, a été kidnappé mercredi à Delmas 31 avec trois de ses collaborateurs. Cet enlèvement relance le débat sur l’incapacité de l’État haïtien à protéger ses citoyens face à la montée en flèche des gangs armés.
Un kidnapping en plein jour qui choque le pays
C’était une fin d’après-midi comme les autres à Delmas 31, mercredi dernier. Le père Jean Julien Ladouceur, curé de la paroisse Sainte-Claire de Petite Place Cazeau, circulait à bord de son véhicule en compagnie de trois collaborateurs : Serfise Guillaume Charlot, Johanne Marcellus et Pierre Anddy Joseph. En quelques instants, leur vie a basculé. Des bandits armés les ont enlevés sous les yeux impuissants de la population.
La nouvelle a été confirmée par Monseigneur Max Leroy Mésidor, archevêque de Port-au-Prince, qui a exprimé sa profonde tristesse face à cet acte odieux. Selon le père Marc Henry Siméon, porte-parole de la Conférence épiscopale d’Haïti (CEH), les ravisseurs ont déjà pris contact avec l’archevêché via le téléphone du prêtre kidnappé. Au moment de nos informations, le montant de la rançon exigée n’avait pas encore été révélé.
L’Église dénonce, l’État reste silencieux
Dans une note publiée vendredi soir, l’archevêché de Port-au-Prince n’a pas mâché ses mots. « Cet acte odieux s’ajoute à la longue liste des enlèvements qui touchent indistinctement prêtres, religieux, fidèles et citoyens de tous horizons », peut-on lire dans le communiqué adressé aux prêtres, religieux et religieuses du diocèse.
L’Église pointe du doigt l’incapacité flagrante de l’État haïtien à assurer la sécurité de ses citoyens. « Non seulement l’État demeure incapable de récupérer les territoires occupés par les gangs armés, mais encore il échoue à garantir un minimum de sécurité dans les zones où les gens tentent simplement de survivre », dénonce l’archevêché avec fermeté.
Ce message résonne douloureusement chez tous les Haïtiens, qu’ils vivent à Port-au-Prince, dans les provinces ou à l’étranger. Combien de familles dans la diaspora – à Miami, Montréal, New York ou Paris -tremblent chaque jour pour leurs proches restés au pays ? Combien de parents n’osent plus envoyer leurs enfants à l’école par peur du kidnapping ?
Des chiffres qui donnent le vertige
Les statistiques sont alarmantes. Selon le Bureau intégré de l’ONU en Haïti (BINUH), entre le 1er juin et le 31 août 2025, pas moins de 334 personnes ont été enlevées par des gangs, dont 69 femmes, 10 filles et 14 garçons. Ces chiffres sont presque identiques à ceux des trois mois précédents, prouvant que l’insécurité ne faiblit pas, bien au contraire.
Jocelyne Colas, directrice exécutive de la Commission épiscopale Justice et Paix (CE-JILAP), a confirmé jeudi sur Radio Magik9 cette impression partagée par beaucoup : « Nous avions l’impression que les enlèvements étaient arrêtés, mais en réalité, ce n’était pas le cas. » Elle a également critiqué l’inaction totale des autorités face à cette spirale de violence qui semble ne jamais vouloir s’arrêter.
Delmas, autrefois refuge, aujourd’hui piège
Ce qui glace le sang, c’est que Delmas, notamment Delmas 31, était considéré comme l’une des rares zones encore relativement sûres de la capitale. Si même ces quartiers tombent sous l’emprise des bandits, où peut-on encore se sentir en sécurité à Port-au-Prince ?
Cette réalité touche particulièrement les familles de la classe moyenne qui n’ont pas les moyens de payer des gardes armés ou de vivre dans des résidences ultra-sécurisées. Pour eux, chaque trajet devient une loterie, chaque sortie un risque calculé.
Jusqu’à quand ?
L’enlèvement du père Jean Julien Ladouceur et de ses trois collaborateurs n’est pas un fait divers isolé. C’est le symptôme d’un mal profond qui ronge Haïti : l’absence criante d’un État capable de protéger ses citoyens. Combien de prêtres, de mères de famille, d’enfants, de professeurs devront encore être kidnappés avant que les autorités ne prennent des mesures concrètes ?
L’Église appelle à la prière, mais elle appelle aussi et surtout à l’action. Et vous, où que vous soyez, que ce soit à Port-au-Prince, dans la diaspora ou ailleurs, comment pouvez-vous contribuer à faire entendre la voix de ceux qui souffrent en silence ? Partagez, sensibilisez, mobilisez. Parce que le silence, aujourd’hui, c’est être complice.

