Face à l’escalade dramatique de la violence en Haïti où les gangs contrôlent désormais 80% de Port-au-Prince, l’administration Trump s’apprête à proposer au Conseil de sécurité de l’ONU le déploiement d’une mission de maintien de la paix. Un pari audacieux qui nécessitera de convaincre la Chine et la Russie de ne pas utiliser leur droit de veto.

L’annonce fait l’effet d’une bombe diplomatique. Selon le Jamaica Observer, les États-Unis envisagent sérieusement de présenter une nouvelle proposition au Conseil de sécurité des Nations unies pour déployer une mission onusienne en Haïti. L’objectif : combattre frontalement les organisations criminelles qui ont transformé le pays en zone de non-droit.

Quand Barbecue défie l’État haïtien

Cette initiative américaine intervient dans un contexte explosif. Jimmy Chérizier, alias « Barbecue », le redoutable chef de la coalition « Viv Ansanm », a récemment menacé de renverser par la force le gouvernement intérimaire si le Conseil présidentiel de transition ne démissionnait pas. Une déclaration qui résonne comme un ultimatum dans un pays où les gangs font désormais la pluie et le beau temps.

Pour les Haïtiens vivant dans la capitale ou tentant de fuir vers la diaspora, ces menaces ne sont pas de vains mots. Elles traduisent une réalité quotidienne où se rendre au marché, aller à l’école ou simplement circuler dans sa propre ville relève du défi mortel.

Un bilan macabre qui interpelle

Les chiffres du Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH) glacent le sang : 1 520 personnes tuées et 609 blessées au cours des seuls trois derniers mois de 2025. Derrière ces statistiques se cachent des drames familiaux qui touchent tous les foyers haïtiens, y compris ceux de la diaspora qui perdent parents, amis et proches dans cette spirale de violence.

Ces pertes humaines massives expliquent pourquoi de nombreuses familles haïtiennes établies aux États-Unis, au Canada ou en France regardent avec angoisse la situation de leur pays d’origine et soutiennent toute initiative susceptible de ramener la paix.

Marco Rubio sonne l’alarme

Le secrétaire d’État américain Marco Rubio n’y va pas par quatre chemins. Il pointe du doigt les conséquences directes de la crise haïtienne sur les États-Unis : « flux constant de migrants illégaux« , transformation d’Haïti en « centre d’activités illicites liées au trafic de drogue, au commerce illégal d’armes et à la contrebande« .

Cette analyse brutale mais réaliste explique pourquoi Washington considère désormais la crise haïtienne comme un enjeu de sécurité nationale américaine. Pour Rubio, « l’ONU constitue la seule solution à la situation sociale et politique d’Haïti, qui se détériore chaque jour« .

Le défi diplomatique russe et chinois

Mais la route vers une mission onusienne reste semée d’embûches. La proposition américaine bute sur un obstacle de taille : obtenir l’abstention de la Chine et de la Russie, qui disposent du droit de veto au Conseil de sécurité. Moscou avait déjà bloqué une tentative similaire en invoquant les échecs des précédentes missions onusiennes en Haïti.

Un argument qui fait écho aux souvenirs douloureux de la MINUSTAH (2004-2017), marquée par le scandale du choléra et diverses accusations d’abus. Beaucoup d’Haïtiens gardent un goût amer de cette période, alimentant les réticences de certains pays membres.

Entre espoir et scepticisme

Ironie du sort, c’est le gouvernement haïtien lui-même qui avait demandé en octobre 2024 la transformation de l’actuelle Mission multinationale en véritable opération de maintien de la paix onusienne, reconnaissant ainsi l’insuffisance des moyens actuels.

Cette demande officielle de Port-au-Prince renforce la légitimité de la proposition américaine, mais soulève aussi des questions sur la souveraineté nationale dans un pays qui a déjà vécu plusieurs interventions internationales.

Entre la peur des gangs et la méfiance envers les missions internationales, Haïti se trouve à la croisée des chemins. La proposition américaine peut-elle enfin apporter la stabilité tant attendue, ou ne fera-t-elle qu’ajouter un nouveau chapitre à la longue histoire des interventions extérieures ? Pour des millions d’Haïtiens, en Haïti comme dans la diaspora, la réponse à cette question déterminera leur avenir et celui de leur pays.

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